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Un lieu moins commun

La désécriture du rite dans “Une Vendetta” de Maupassant

Un lieu moins commun

Image de couverture

S’il est un point sur lequel les spécialistes de Maupassant s’accordent, c’est sur le caractère fortement cohésif de ses contes et de ses nouvelles. Ces récits brefs contribuent à « renforcer l’identité de la communauté narrative » (Place-Verghnes, 2005 : 121). « [L]’acte de raconter » qu’ils configurent y « fonde la socialité elle‑même » (Bonnefis, 1981 : 26). Enfin, on peut estimer que par leur prédilection pour des sujets « exotiques » – qu’il s’agisse d’exotisme social ou géographique – (Goyet, 1993 : 94-100), ces narrations définissent, a contrario, la norme s’appliquant dans le monde de leurs lecteurs. Ce qui, en revanche, échappe aux critiques, c’est le fait que cette sociabilité du conte maupassantien a un prix à payer en termes d’auctorialité.

La « littérature publique », qui émerge au XIXe siècle, induit une « crise du destinataire sans précédent » (Reverzy, 2016 : 15). À rebours de l’entre-soi qui prévalait sous l’Ancien Régime, le destinataire apparaît désormais à l’auteur comme une entité aussi diffuse que massifiée. Or, comme le remarque Éléonore Reverzy, « [q]uand on s’adresse à tous ou à un lectorat indistinct, comment rester soi » (2016 : 21)? Tel est bien le problème de Maupassant : à force de rassembler ses lecteurs au sein de fictions accueillantes et d’adapter son discours aux valeurs communes, il prend le risque d’abdiquer ses choix personnels, ou, à tout le moins, d’en éliminer les aspects les plus singuliers. D’où l’hypothèse que nous avançons d’une forme de déliaison entre l’énonciateur et ses énoncés, révélatrice d’une auctorialité en souffrance1 en raison de la place accordée au lecteur dans le procès d’énonciation. De là découleraient, au niveau esthétique, le style omnibus parfois imputé à Maupassant2 et, sur un plan idéologique, la proximité de ses récits avec le discours social, entendu comme « principe de communion, de convivialité » (Angenot, 2006).

Mais si Maupassant fait, littéralement, de son espace énonciatif un lieu commun, c’est-à-dire un lieu de convergence des lecteurs et de répétition des formes agréées (bribes de discours social, topoï littéraires, voire fragments de l’œuvre maupassantienne ellemême), il ne renonce pas pour autant à placer ses énoncés sur une portion plus émancipée du champ. Dans une tension caractéristique du positionnement naturaliste, Maupassant vise, en effet, simultanément l’adhésion du public et celle de ses pairs3. Grand écart périlleux car, dans les franges autonomes du champ littéraire, le créateur n’est pas censé reproduire les normes en vigueur, mais plutôt en fixer librement les contours dans le cadre de son travail4.

Nous montrerons que, dans Une Vendetta5, Maupassant réalise cette double postulation à la fois en pliant son récit aux exigences supposées du destinataire et en les perturbant. Nous estimerons que, par cette déstabilisation, l’auteur vise à réauctorialiser une œuvre qui, sinon, serait menacée d’une sorte d’anonymisation du fait de son caractère trop consensuel et, partant, insuffisamment personnel. Le rite fournira une plateforme propice à l’observation de ce phénomène. Il permettra en outre de réfléchir aux relations entre l’ethnocritique et l’analyse du discours.

 

Le rite comme plateforme heuristique et carrefour disciplinaire

Dans l’approche discursive privilégiée ici, le rite prend sens à trois niveaux6 : 1) dans l’insertion des œuvres au sein de leurs cadres institutionnels, 2) dans les liens qui unissent œuvres et lecteurs, 3) dans la qualification que l’auteur doit faire valoir pour énoncer. Ainsi envisagé, le rite figure l’interface entre un projet auctorial et les conditions sociales qui assurent et contraignent sa réalisation.

  1. L’analyse du discours refuse de considérer le fait littéraire comme émanant d’un sujet créateur affranchi de toute médiation. L’activité littéraire, au contraire, se déroule dans des cadres institutionnels qui, non seulement, lui imposent leurs règles (tel positionnement, tel genre, etc., dictent tels choix), mais qui subissent également ses effets (« l’institution littéraire est ellemême sans cesse reconfigurée par les discours qu’elle rend possible », Maingueneau, 2004 : 42). La métaphore du rite semble, dès lors, propice à rendre compte de cette émergence d’une singularité s’élaborant à travers des prescriptions collectives et aboutissant à la constitution d’une ritualité propre. Transitant par les passages obligés des rites de parole, l’œuvre s’instaure elle-même comme le lieu d’un rituel littéraire.

    Ce travail d’institutionnalisation se repère dans les représentations qu’agencent les textes. En effet, l’œuvre, « à travers le monde qu’elle configure dans son texte, réfléchit en les légitimant les conditions de sa propre activité énonciative » (Maingueneau, 2004 : 42). Il faut, dès lors, s’attendre à ce qu’un récit qui, comme celui qu’on a choisi, thématise le rituel, renvoie à l’ensemble des ritualités qui le conditionnent et qu’il met simultanément en place.

  2. Le rituel intervient, ensuite, comme la forme sociale par excellence du rapport du texte maupassantien à ses lecteurs. Tout discours, en effet, relève d’une interaction : « Toute énonciation, même produite sans la présence d’un destinataire, est en fait prise dans une interactivité constitutive, elle est un échange, explicite ou implicite, avec d’autres locuteurs, virtuels ou réels. » (Maingueneau, 2004 : 32) Chez Maupassant, le modèle du rite s’avère d’autant plus apte à restituer la dynamique rassemblant lecteurs et texte, que cette dernière est fortement marquée par la répétition et s’insère dans une expérience collective de lecture. Le conte maupassantien, dans sa phénoménologie originelle, s’appréhende au rythme de publications régulières dans la presse, sur un support qui, au XIXe siècle, s’apparente à une « cérémonie de masse » (Thiesse, 2010 : 134).

  3. Enfin, pour l’analyse du discours, comme pour la sociologie bourdieusienne, il n’y a pas de « créateur incréé » (Bourdieu, 1984 : 207), l’auteur occupant, évidemment, une place centrale dans la fabrique auctoriale. Sur ce plan encore, la métaphore du rite s’applique de manière éclairante. Puisque « l’énonciation littéraire n’échappe pas à l’orbite du droit » (Maingueneau, 2004 : 34), la question de la légitimité de celui qui parle se pose du même coup. Qu’il construise son identité à même son œuvre (en traçant un domaine énonciatif circonscrit par des choix stylistiques, thématiques, etc.) ou qu’il l’élabore via son image publique, l’auteur produit des signes susceptibles d’être reconnus comme étant ceux d’un auteur véritable. Par les garanties qu’il émet, il passe au travers du tamis des rituels littéraires légitimes. Comme l’écrit Foucault, à propos de la prise de parole en contexte institutionnel, « le rituel définit la qualification que doivent posséder les individus qui parlent » (1971 : 41).

Il est vraisemblable que, pour un auteur tel que Maupassant, les garanties à fournir seront de deux ordres distincts. D’une part, l’écrivain voudra conformer sa création, ou son autocréation, aux répertoires convenus lui assurant d’être admis par ses pairs7. Mais, eu égard à son double positionnement, il paraît nécessaire qu’il donne également à ses lecteurs des preuves de la conformité de ses récits avec une vision partagée du monde ou de leur conformité avec les œuvres qu’il a déjà produites et qui ont reçu l’aval du public. Or, ces preuves sont d’une nature très différente des précédentes. Elles engagent, en effet, l’auteur dans une seconde ritualité, qui a pour but, elle, de valider « l’ordre de la société et de la culture » (Rivière, 1995 : 56). L’écriture de Maupassant participe, alors, à un vaste rite d’institution au sens où l’entend Bourdieu. Elle prend part à un rituel accomplissant « un acte inaugural de constitution, de fondation » (Bourdieu, 2001 : 182), dont le succès consacre son exécutant en agent de la représentation sociale.

Ces considérations sur le rite amènent à réfléchir aux apports de l’ethnocritique à une conception de la littérature en tant que discours. La question, en fait, n’est pas nouvelle puisqu’elle a déjà été débattue lors d’un premier bilan des pratiques ethnocritiques et a alimenté des études de cas8. Aussi nous contenterons-nous de rappeler l’essentiel, à savoir que l’analyse du discours décentre l’ethnocritique de son terrain d’investigation premier – le texte conçu comme une entité close – pour l’entraîner à interroger la pragmaticité des œuvres. Il s’agit bien toujours d’appliquer « la pensée ethnologique contemporaine à un “objet” particulier, la littérature » (Privat, 1994 : 7). En revanche, le modèle sémiotique du texte est abandonné au profit d’une perspective pragmatique.

Un point mérite davantage d’explication. Pour qu’une jointure se fasse entre analyse du discours et ethnocritique, il nous paraît difficile de penser cette discipline comme une « [mise] à jour dans le texte des éléments de contenus cachés » (Maingueneau, 2010 : 98). Certes, le rapprochement terminologique avec la sociocritique ou la psychocritique invite à concevoir l’ethnocritique sous cet angle (Maingueneau, 2010 : 98). La virtuosité de certains commentaires tend aussi à en accréditer l’idée. Néanmoins le texte ne peut devenir le support d’activités discursives (positionnement, élaboration d’une identité énonciative, etc.), s’il demeure opaque et dépend d’un exégète spécialisé pour révéler ses contenus. Aussi, pour que l’hypothèse de la « culture du texte » (Cnockaert, Privat et Scarpa, 2011 : 4) soit exportable dans l’analyse du discours, il est nécessaire qu’elle revête un caractère commun et communicable. C’est pourquoi nous proposons – en fonction de notre approche discursive – d’envisager la culture des œuvres comme une culture partagée par l’auteur et ses destinataires au sein d’une société déterminée. En tant que telle, elle est un moyen par lequel l’auteur agit et interagit – agit sur les conditions de son énonciation et interagit avec ses publics. Cela ne signifie pas que le référent culturel convoqué se donne toujours dans une pure transparence : un degré de cryptage ou d’allusion est possible en fonction des destinataires visés ou de l’utilisation qui est faite des énoncés. Par contre, si ce référent n’est pas immédiatement accessible au lecteur moderne, c’est que la société dans laquelle il avait cours n’est plus ou qu’une distance s’est creusée avec elle. Surmonter cet éloignement semble une tâche qu’ethnocritique et analyse du discours peuvent mener de concert.

Dans l’analyse d’Une Vendetta qui va suivre, le regard ethnocritique aura pour mission de saisir les opérations effectuées par Maupassant sur la culture rituelle de son récit. Il aidera à une meilleure compréhension des dérèglements, révocations et rénovations, auxquels l’écrivain soumet la ritualité de sa parole, afin de la dégager, tout à la fois, des liens trop codifiés qui l’unissent à ses destinataires, d’une régularité générique trop répétitive et d’un positionnement trop consensuel. Par ces décalages ou ces débrayages, que rend lisibles l’ethnocritique, il s’agira de montrer comment l’auteur s’institue dans une position plus auctoriale.

 

Une Vendetta, rite singulier

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Légende / Crédits

Un bricolage rituel. L'ensauvagement de la chienne dans Une Vendetta, illustration parue dans La Vie populaire, no 8, 26 janvier 1888.

 

 

 

Pour un écrivain, la Corse du XIXe siècle est propice à des investissements opposés. Elle est, d’une part, un terrain sur lequel l’auteur peut définir son identité énonciative. Pour « trouver sa place dans le champ littéraire » (Maingueneau, 2016), chaque créateur doit s’inventer en tant que tel. Or, selon Maingueneau, cette invention s’accomplit par le biais d’une « paratopie créatrice » (2004 : 70105). Il nomme ainsi la manière singulière dont l’auteur assume la condition de toute littérature « qui ne peut dire quelque chose du monde qu’en mettant en jeu dans son énonciation les problèmes que pose l’impossible inscription sociale […] de sa propre énonciation » (2004 : 74). L’écrivain choisit donc et modèle la paratopie qu’il juge appropriée à son projet et qui renvoie à cette marge d’où il énonce. Les paratopies sont de natures diverses : spatiales, temporelles, familiales, etc. Parmi les lieux paratopiques, « le plus évident, c’est l’île », précise Maingueneau, car « [e]lle matérialise en effet l’écart constitutif de l’auteur par rapport à la société » : « […] l’île appartient au monde sans lui appartenir » (2004 : 103).

Écrivant souvent d’une Corse à l’écart de la normalisation civilisationnelle, où continuent de s’appliquer les anciennes lois de la justice privée, avant sa confiscation par le monopole étatique9, Maupassant se réserve un territoire favorable à la création d’une identité paratopique. D’autant qu’il connaît bien ce lieu pour l’avoir arpenté durant l’été et l’automne 1880 et qu’il fait état de ce savoir dans les chroniques qu’il livre de son périple10. Malheureusement, l’insularité, dans le cas présent, ne saurait garantir un positionnement personnel, car la Corse de la fin du XIXe n’est plus une terre vierge. Tout au long du siècle, elle a, en effet, subi les nombreuses annexions de l’imaginaire littéraire national. Si bien qu’après Balzac (La Vendetta) ou Mérimée (Mateo Falcone, Colomba) – pour ne citer que les auteurs et les œuvres les plus illustres –, Maupassant se retrouve dans ce qui est, véritablement, un lieu commun. Il énonce d’une île traversée par les fantasmes que la métropole – écrivains et public confondus – y projette. Lui-même, d’ailleurs, dans les chroniques mentionnées ou dans certaines nouvelles – Histoire corse11, par exemple – relaie cette entreprise, en dispensant à ses lecteurs un discours stéréotypé, leur offrant, par l’entremise de l’exotisme, de se construire dans leur différence culturelle.

Est-il possible de s’approprier et de singulariser cet espace commun? D’y développer une auctorialité forte tout en maintenant une relation contractuelle avec le destinataire? C’est cette gageure qui nous intéressera dans Une Vendetta. De la même façon que le rite vendettaire demande son accomplissement au nom de la fidélité familiale, l’auteur, qui s’y engage, doit garantir à son lecteur la perpétuation d’une forme assurant l’ordre du familier. Comment, simultanément, produire une énonciation personnelle? La solution réside dans une rénovation du rite.

 

Défamiliarisation d’un rituel familial et familier

Pour commencer, détaillons la manière dont Maupassant défamiliarise le rituel de vengeance, lui conservant sa trame mais renouvelant ses formes. Dans une étude consacrée aux rapport de la nouvelle et de la presse, Florence Goyet met en avant le fait que cette conjonction induit le recours à du « déjà connu » (1993 : 66) : ce que le nouvelliste « veut faire surgir dans l’esprit du lecteur, ce ne sont pas des notions neuves ou élaborées sur tel ou tel sujet », mais plutôt les « présupposés » de son lecteur (1993 : 72). Le concept de type occupe ainsi une place centrale dans cette poétique (Goyet, 1993 : 61-78).

Or, ce qu’on remarque dans Une Vendetta, ou, plutôt, ce qu’on on ne remarque pas, justement, tant notre horizon de lecture est formaté par l’attente du typique, c’est qu’on n’a pas de description du personnage principal12. À l’inverse de Mérimée, qui, dans Mateo Falcone, par exemple, donne un long portrait du bandit corse, tout en ethnotype et en détails sursignifiants13, chez Maupassant, la seule mention descriptive de la vieille mère chargée d’accomplir la vengeance est celle, synecdochique, de « sa main ridée » (103114). De la protagoniste, on sait seulement son âge avancé, son état marital – c’est la « veuve de Paolo Saverini » (1030) – et qu’elle a un fils qui a été tué, sur le cadavre duquel elle a juré la vendetta. Et c’est à peu près tout.

En donnant, par ailleurs, à ce personnage féminin (et âgé) la charge de réaliser le scénario vendettaire, Maupassant bouscule le dispositif rituel de fond en comble. Premièrement parce que, dans les sociétés traditionnelles qui partagent ce que Bourdieu appelle « la vision “phallonarcissique” » et « la cosmologie androcentrique […] communes à toutes les sociétés méditerranéennes » (1998 : 18), les femmes sont écartées de toute forme d’agentivité. En vertu d’un « principe de division » fondamental (Bourdieu, 1998 : 65), elles sont en effet instaurées dans la passivité d’un statut d’« objets » ou de « symboles dont le sens est constitué en dehors d’elles » (Bourdieu, 1998 : 65). Deuxièmement, dans ces sociétés, les femmes n’ont rien à faire dans la défense du « point d’honneur » (Bourdieu, 1998 : 72), qui concerne exclusivement l’homme et sa virilité, « l’homme “vraiment homme” » se devant « d’être à la hauteur de la possibilité qui lui est offerte d’accroître son honneur en cherchant la gloire et la distinction dans la sphère publique » (Bourdieu, 1998 : 76). « [L’]exercice de la violence », notamment lors de la vengeance (Bourdieu, 1998 : 76), constitue l’un des domaines où l’homme peut accroître ce capital. 

Bourdieu généralise à partir de ses observations sur la société kabyle. Peut-être que dans une Corse sous imprégnation romantique, comme c’est le cas chez Mérimée, les pouvoirs d’un féminin essentialisé exerceront-ils leurs influences mystérieuses (qu’on pense aux ruses de Colomba pour inciter son frère à entrer dans la vendetta15). Peut-être aussi que dans une Corse christianisée, une place plus conséquente sera accordée à la mère, en tant que mater dolorosa (Maupassant suit cette scénarisation chrétienne jusqu’à un certain point). Néanmoins, désigner une femme pour exécuter le rituel vendettaire de a à z représente bien une innovation autant littéraire que culturelle.

On trouvera un autre exemple de cette dérégulation du système culturel soutenant la nouvelle dans l’attitude de la protagoniste face au corps sans vie de son fils. Là non plus, le texte ne respecte pas les codes. Van Gennep note ainsi que dans de nombreux villages corses, « dès que le décès est certain, l’assistance, et surtout les femmes, se livrent à des manifestations de douleur bruyantes qui présentent un caractère non pas seulement individuel temporaire, mais surtout traditionnel collectif » (1980 : 679).

Mérimée lui-même, en mission pour la commission des Monuments historiques, avait consigné, en 1839, ces lamentations funéraires dans ses Notes d’un voyage en Corse16. Il réutilisera ce matériau ethnographique dans Colomba, quelques mois plus tard, de telle sorte que grâce à ses écrits, la pratique codifiée de la déploration était connue sur le continent.

En lieu et place de ces manifestations de tristesse exubérante et collective, voici comment la veuve Saverini réagit :

Quand la vieille mère reçut le corps de son enfant, que des passants lui rapportèrent, elle ne pleura pas, mais elle demeura longtemps immobile à le regarder; puis, étendant sa main ridée sur le cadavre, elle lui promit la vendetta. Elle ne voulut point qu’on restât avec elle, et s’enferma auprès du corps avec la chienne. (1031)

L’isolement qui est réclamé détonne avec le caractère public de la ballata telle qu’elle est pratiquée par Colomba17. La narration insiste d’ailleurs sur l’intériorisation de la douleur en mettant en exergue, un peu plus loin, les « larmes muettes » de la vieille (1031, nos italiques). L’emphase rituelle de la lamentatio est tout bonnement congédiée par Maupassant.

Le point suivant ne concerne pas expressément un élément prototypique ou ethnotypique du récit corse. Il exerce plutôt son effet de défamiliarisation en affectant la culture endogène du lecteur. En peine d’une solution lui permettant de réaliser son vœu de vengeance, la veuve, « tout à coup, eut une idée, une idée de sauvage vindicatif et féroce » (1032) : elle décide d’entraîner sa chienne à l’attaque. Si, dans ce passage, Maupassant joue la partition éculée de la sauvagerie insulaire, en revanche le procédé retenu, comme on va le voir, est susceptible de troubler son lecteur et d’insuffler une dynamique inédite dans un rituel figé, car le procédé en question détourne une pratique de sociabilité encore bien implantée au XIXe siècle. Pour exercer sa chienne, la vieille, tout d’abord l’affame. Puis, elle fabrique un mannequin avec les « hardes qu’avaient portées autrefois son mari », qu’elle bourre de foin « pour simuler un corps humain » (1032), sur lequel elle fixe « un paquet de vieux linge » (1033), en guise de tête. Elle noue ensuite autour du cou de cette figurine un « long morceau de boudin noir » (1033). Elle n’a plus qu’à lâcher son animal qui fonce sur sa proie et la déchire. « Pendant trois mois, [la vieille femme] l’habitua à cette sorte de lutte, à ce repas conquis à coups de crocs » (1033). Ce qu’il faut comprendre alors, c’est que la charcuterie qu’utilise la mère pour cet entraînement sanguinaire est précisément ce qu’on s’échangeait dans les campagnes françaises en signe de bon voisinage. Sur le don du boudin, nous renvoyons aux analyses de Marie Scarpa qui en retrace la logique dans son étude du Ventre de Paris (2000 : 223-224), pour souligner que dans sa réécriture maupassantienne, ce rite est complètement dévoyé de sa fonction primaire de partage commensal. Ici, cette nourriture ne signifie plus une négociation avec le proche, son agrégation au sens où l’entend Van Gennep (2011 : 44-46), mais sert d’instrument à son annihilation.

Enfin, dans le stratagème mis en place par la vieille mère, on sera sensible au rôle occupé par la chienne, qui a une valeur emblématique de ce qu’opère le texte. Cet animal s’appelle Sémillante, ce qui constitue une allusion à la tradition narrative sur la Corse : c’est ainsi qu’était baptisé le navire s’échouant sur les côtes de l’île dans la nouvelle de Daudet, L’agonie de la Sémillante  (1869 : 113-129). Mais la transformation subie par la chienne, d’animal domestique en bête tueuse – on nous décrit son évolution, « les yeux luisants », « le poil hérissé », « devenue furieuse »  (1032) – est symptomatique d’un réensauvagement, correspondant à ce que cette nouvelle accomplit, à savoir ce qu’on a appelé une défamiliarisation du rite. Une désécriture d’une forme ritualisée familiale et familière que Maupassant doit rendre moins reconnaissable, s’il veut la poursuivre et se l’approprier.

 

Un auteur et son île

L’intervention de Maupassant sur le rituel narratif vendettaire se décompose, en fait, en deux gestes combinés : premièrement, on assiste à une épure (en témoignent l’économie des moyens mobilisés pour décrire le personnage principal et le renoncement aux démonstrations exubérantes de la ballata); deuxièmement, il y a l’exhumation d’une violence inconnue, violence d’autant plus radicale qu’elle inverse plusieurs schèmes civilisationnels (la mère nourricière en meurtrière, la commensalité comme rupture des liens de voisinage, l’animal domestiqué revenu à l’état sauvage). Or, par cette stylisation et par ce retour à une primitivité, Maupassant confère à son texte l’allure d’un poème barbare.

L’esthétique parnassienne de Leconte de Lisle, ou de son continuateur Heredia, semble en effet en ligne de mire si l’on prend en considération l’intérêt qu’elle porte à la fois aux « races anciennes » (Leconte de Lisle, 1852 : 11) et à la perfection formelle18. Le récit corse de Maupassant paraît ainsi appliquer la recommandation adressée par Leconte de Lisle, dans sa préface à ses Poèmes antiques : « Les poètes nouveaux […] doivent sentir la nécessité de retremper aux sources éternellement pures l’expression usée et affaiblie des sentiments généraux. » (1852 : 13-14) C’est bien un renouvellement de ce genre qui, dans Une Vendetta, débarrasse le rite de sa matière topique « usée et affaiblie » et le replonge dans un temps archaïque. Une stratégie d’occupation d’un positionnement plus autonome s’esquisse donc de la sorte, avec, à la clé, un gain en termes de reconnaissance auctoriale.

L’appropriation parnassienne de la Corse par Maupassant se signale à trois niveaux : il y a, premièrement, la parenté topographique de l’île avec les territoires de prédilection du Parnasse; deuxièmement, l’adéquation entre ce lieu et l’image publique véhiculée par l’écrivain; troisièmement, la textualisation de la Corse comme entité autarcique.

La Corse, tout d’abord, exhibe, grosso modo, les mêmes qualités que la Bretagne (qu’Heredia sélectionne pour telle sous-section des Trophées) ou que l’Espagne (dont il utilise les ressources paratopiques) :

Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de péninsules à la pointe du Continent européen où vivent des peuples en marge de la modernité, encore régis par les coutumes d’un monde révolu, terres d’élection pour les voyageurs en mal d’exotisme, les « artistes », qui viennent y traquer les dernières survivances d’un univers qui échappe aux « bourgeois » et à la « civilisation ». (Maingueneau, 2016 : 86)

Ensuite, l’identité publique de Maupassant en tant qu’« auto-création » (Meizoz, 2007 : 30) consonne à merveille avec ce genre d’espace. L’auteur aime effectivement à se présenter comme un primitif désertant la société de ses contemporains19. Il affiche, en outre, volontiers son rejet des lois du monde moderne, comme dans telle chronique où il récuse l’égalitarisme démocratique20. Enfin, dans Une Vendetta, Maupassant applique les canons de l’esthétique parnassienne à sa mise en texte de la Corse. La description inaugurale repose ainsi sur un fonctionnement proleptique. Les « rocs qui percent partout les vagues » et les «lambeaux de toile flottant et palpitant à la surface de l’eau » (1030, nous soulignons) annoncent le drame imminent : la mort du jeune homme « vêtu de sa veste de gros drap trouée et déchirée à la poitrine » (1031). Cette technique produit l’effet d’une clôture de l’espace représentationnel. Elle participe d’une conception autotélique de la création poétique, chère aux Parnassiens (cf. Maingueneau, 2016 : 167). L’insistance, dans le même passage, sur la minéralité du décor est un autre signe de cette allégeance esthétique.

Par ces moyens, Maupassant arrive à singulariser un espace qui semblait, à première vue, appartenir à tous, tant il était saturé des multiples représentations qui l’avaient construit dans l’imaginaire collectif. Il parvient, par la même occasion, à s’autonomiser en tant que créateur accédant à un positionnement plus élitiste. Mais, dans ce processus, qu’advient le lecteur lambda, responsable du succès de Maupassant? Pour terminer, nous aimerions reprendre la question du destinataire.

 

La place du destinataire et la fin des rites

Si Maupassant réussit à auctorialiser son récit et à le positionner sur un segment plus autonome du champ, dans une proximité avec le Parnasse, la refonte du rite qu’il opère y contribue amplement. En déjouant les attentes de ses lecteurs, l’auteur fixe une norme nouvelle dont lui seul est responsable et qui confère au rituel vendettaire le caractère primitif qu’il avait perdu au cours de sa domestication dans ses réécritures précédentes. Il serait, néanmoins, illusoire de prétendre que l’auteur s’affranchit complètement des contraintes imposées par son destinataire. Celui-ci est satisfait sur au moins deux points : demeurent intacts et la différence culturelle à la base du discours métropolitain sur la Corse et le spectacle d’une violence qui, superficiellement en tout cas, n’a rien à envier à celle des faits divers dont la presse abreuve ses lecteurs21. Le rite subit, certes, un lifting, il s’accomplit malgré tout22.

L’impossibilité de passer outre les intérêts du destinataire rappelle que le positionnement parnassien qu’effectue Maupassant dans ce récit prend sens dans une stratégie de démarcation à l’adresse de ses concurrents. Il est, en revanche, peu probable que le lecteur ordinaire appréhende cette narration selon une grille parnassienne. Il est plus plausible qu’il se fie aux régularités de l’esthétique naturaliste auxquelles il est accoutumé. En conséquence, il importe, pour être complet, de mesurer encore l’action de Maupassant sur son destinataire relativement à la référentialité de son récit, c’est-à-dire en interrogeant non pas tant son adéquation au réel que sa conformité aux conventions réalistes (cf. Hamon, 1982 : 119-181).

On observera alors combien est complexe le rapport au destinataire dans ce texte qui vise autant la satisfaction du lecteur que la constitution d’une auctorialité autonome. Parmi les amendements apportés à l’écriture du rite, certains peuvent en effet se lire comme des modernisations favorisant l’identification à l’héroïne et offrant une meilleure lisibilité au récit. Paradoxalement, ces mêmes actualisations sont susceptibles de générer un sentiment d’inconfort chez le lecteur. Ainsi, l’enregistrement, dans Une Vendetta, de mutations culturelles récentes, couplé à une narratologie particulière, paraissent à la fois sceller l’adhésion du lecteur au texte et le placer, idéologiquement, dans une situation de perplexité.

Précédemment, la cérémonie du deuil est apparue comme dérogeant au protocole culturel insulaire. Or, la volonté de privatisation des sentiments qu’exprime le personnage principal entre en écho avec les codes comportementaux des lecteurs de Maupassant. S’intéressant aux « rites de la vie bourgeoise » et parcourant la correspondance d’une famille française au tournant des XIXe et XXe siècles, Anne Martin-Fugier fait ce commentaire : « La souffrance, la douleur, le regret ne s’écrivent pas. Pudeur absolue des sentiments intimes. » (1999 : 237) Dans la tristesse qu’occasionne la mort, la vieille Corse et le destinataire maupassantien se rejoignent dans une même façon d’habiter le monde.

Cette hexis commune, qu’il faut entendre comme une « manière durable de se tenir, de parler, de marcher, et, par là, de sentir et de penser » (Bourdieu, 1980 : 117), est entretenue par une option narratologique qui, à plus d’une reprise, aménage un espace pour le lecteur au côté du personnage. Ainsi de ces points de vue internes où le discours indirect libre efface les frontières démarquant l’attribution des pensées, celles-ci émanant de la veuve mais se répétant sans médiation dans la conscience lectorale : « Toute seule, tout le long du le jour, assise à sa fenêtre, elle regardait là-bas en songeant à la vengeance. Comment ferait-elle sans personne, infirme, si près de la mort? Mais elle avait promis, elle avait juré sur le cadavre. » (1032)

Dans ce jeu positionnel, il est remarquable qu’à l’explicit, alors que la narration convoque « [d]eux voisins » (1034) censés témoigner de ce qu’ils ont vu, le lecteur en sache davantage que ces locaux. Contrairement à eux, en effet, le lecteur ne se méprend pas sur l’identité du « vieux pauvre » sortant de chez Nicolas Ravolati, accompagné « d’un chien noir efflanqué qui mangeait, tout en marchant, quelque chose de brun que lui donnait son maître » (1034). Sous ce déguisement, il aura reconnu la vieille qui vient d’achever sa tâche, peut-être même se sera-t-il identifié à elle. L’absence de visage du personnage l’aiderait du moins à ce transfert.

Qu’est-ce qui justifie le rapprochement auquel la nouvelle invite son destinataire? Ce lien improbable, et pourtant tangible, est à chercher dans ce que le texte rogne en partie, à savoir, une distance temporelle. Cette distance annulée – d’autant plus difficile à concevoir qu’elle se superpose, comme nous l’avons vu, à un retour à une primitivité – est celle qui, selon Daniel Fabre, avait été érigée, dès le Romantisme, pour penser le rapport anthropologique à l’Autre (2010 : 10). L’héroïne et le lecteur partagent, de fait, la même condition d’individus confrontés, dans leur solitude, aux délitements des rituels que connaissent les sociétés modernes. Marx et Engels évoquaient déjà cette situation, lorsqu’ils s’alarmaient, dans leur manifeste, du « bouleversement continuel des modes de production », de « cette agitation » et de « cette insécurité perpétuelle » qui « distinguent l’époque bourgeoise de toutes les précédentes », où « [t]ous les rapports sociaux traditionnels et figés, et leur cortège de croyances et d’idées admises et vénérés se dissolvent » (1995 : 11).

Si Une Vendetta garantit, d’une part, le confort d’une compréhension adéquate, permettant une consommation mise au goût du jour, le récit plonge, par ailleurs, ses lecteurs dans l’incertitude du monde moderne, où le « thème des derniers » (Fabre, 2010 : 50) n’est pas qu’un motif ethnographique, mais signale les changements en cours dans la société du lecteur. Des changements qui privent les rites de leurs règles et obligent chacun à les réinventer individuellement dans un bricolage lévi‑straussien (Lévi‑Strauss, 1990 : 30‑36). Le lieu moins commun que dessine Maupassant est donc aussi cette modernité dans laquelle le rituel peine désormais à intégrer le singulier dans le collectif23.

  • 1. Gérard Leclerc définit l’auctorialité, ou authorship, comme le « lien symbolique à ce qui est propre et unique » (1998 : 51).
  • 2. Voir le célèbre commentaire d’Edmond de Goncourt, dans son Journal, en date du 9 janvier 1888 : « [U]ne phrase de Maupassant n’est pas signée, c’est tout bonnement de la bonne copie courante appartenant à tout le monde. » (cité d’après Benhamou, 2003 : 292)
  • 3. Jacques Dubois note, ainsi, à propos du roman naturaliste, qu’il « se pose en avant-garde » tout en allant « à la rencontre d’un public nouveau auquel il propose un type d’écriture qui lui est homogène et qui est susceptible, en outre, d’une diffusion massive et standardisée » (1978 : 82).
  • 4. Pour les créateurs que Bourdieu qualifie de nomothètes (Baudelaire ou Flaubert notamment), le champ littéraire se conçoit « comme un monde à part, soumis à ses propres lois » (Bourdieu, 1992 : 86).
  • 5. Première publication dans Le Gaulois du 14 octobre 1883, suivie de reprises, tant en recueil que dans d’autres titres de presse.
  • 6. Les recherches de Dominique Maingueneau constituent notre base théorique (notamment Maingueneau, 2004).
  • 7. Claude Abastado, en recourant au paradigme du rite, dresse une liste d’identités auctoriales disponibles à des époques données. Voir Abastado, 1979.
  • 8. Voir respectivement Maingueneau (2010 : 97-108) et, à titre d’exemple, Cerny et Meizoz (2010 : 33-46).
  • 9. Voir Elias, 2003 : 25.
  • 10. Voir Maupassant, 2003 : 88-101.
  • 11. Première publication : 1er décembre 1881, dans Gil Blas.
  • 12. Philippe Andrès est donc victime de cette illusion d’un déjà-lu lorsqu’il évoque « les portraits bien marqués des protagonistes » risquant « de faire de ces derniers des stéréotypes littéraires » (1998 : 36).
  • 13. « Figurez-vous un homme petit, mais robuste, avec des cheveux crépus, noirs comme le jais, un nez aquilin, les lèvres minces, les yeux grands et vifs, et un teint couleur de revers de bottes. Son habileté au tir du fusil passait pour extraordinaire, même dans son pays, où il y a tant de bons tireurs. Par exemple, Mateo n’aurait jamais tiré sur un mouflon avec des chevrotines; mais, à cent vingt pas, il l’abattait d’une balle dans la tête ou dans l’épaule, à son choix. » (Mérimée, 1999 : 25)
  • 14. Les citations tirées du texte seront, dorénavant, simplement accompagnées de leur indication de page dans la Pléiade (Maupassant, 1974).
  • 15. Sur Mérimée et Colomba, voir Demartini, 2018 : 54-58.
  • 16. « Je joins ici quelques poésies populaires corses. Lorsqu’un homme est mort, particulièrement lorsqu’il a été assassiné, on place son corps sur une table; et les femmes de sa famille, à leur défaut des amies, ou des femmes étrangères connues pour leur talent poétique, improvisent des complaintes en vers dans le dialecte du pays. » Cet usage reçoit des noms différents : « Voceru », « Buceru », « Buceratu » ou encore « Ballata » (Mérimée, 1840 : 197).
  • 17. « Colomba improvisa, selon l’usage du pays, une ballata devant le cadavre de son père, en présence de ses amis assemblés. Elle y exhala toute sa haine contre les Barricini et les accusa formellement de l’assassinat, les menaçant aussi de la vengeance de son frère. » (Mérimée, 1999 : 157)
  • 18. Laquelle s’obtient en dégageant la langue du commerce courant : chez les Parnassiens, cette séparation est « ce qui permet de préserver le caractère rituel de la poésie » (Maingueneau, 2016 : 45). On relèvera alors la concision des mots utilisés par l’héroïne d’Une Vendetta, qui ne s’exprime qu’à trois occasions et chaque fois dans un contexte de performativité maximale : lorsqu’elle fait le serment de la vengeance, lorsqu’elle entraîne sa chienne à tuer et lorsqu’elle la lance sur l’assassin de son fils (« Va, va, dévore, dévore! », 1034). La langue employée dans ces cas n’a rien à voir avec celle des échanges quotidiens. Par sa dimension incantatoire, elle ressortit plutôt à une magie au cours de laquelle on communique avec les morts ou on jette un sort sur les vivants.
  • 19. « [J]e suis faune et je le suis de la tête aux pieds. Je passe des mois seul à la campagne, la nuit, sur l’eau, tout seul, toute la nuit, le jour dans les bois ou dans les vignes, sous le soleil furieux et tout seul, tout le jour. » (Lettre no 200 de janvier 1881 à Gisèle d’Estoc, dans Maupassant, 1973)
  • 20. Voir « L’égalité », article publié dans Le Gaulois du 25 juin 1883 et repris dans Maupassant, 2003 : 687-690.
  • 21. Sur l’importance de ce phénomène, voir Dominique Kalifa, L’encre et le sang. Récits de crimes et société à la Belle Époque (1995).
  • 22. Cette réussite rituelle se réalisant dans, et malgré, sa différence est inscrite en abyme dans la scène finale où la mère endosse des « habits de mâle » (1033) pour mener à bien sa tâche. De la même façon que le récit reprend les formes les plus évidentes du schéma vendettaire en les modifiant, le personnage cache son identité réelle sous le couvert de l’identité masculine requise pour la vengeance.
  • 23. Ma reconnaissance à Jérôme Meizoz pour sa relecture de la première version de cet article présentée à Metz le 23 novembre 2018. Je remercie également Jeanne Bem, Sophie Ménard et Jean-Marie Privat pour leurs réflexions et suggestions.
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Pour citer

Pour citer

Meyer, Claude, « Un lieu moins commun. La désécriture du rite dans “Une Vendetta” de Maupassant », dans V. Cnockaert, M. Scarpa et M.‑C. Vinson (dir.), L'ethnocritique en mouvement. Trente ans de recherches avec Jean‑Marie Privat, février 2021, en ligne sur le site Ethnocritique : http://www.ethnocritique.com/fr/node/215/.

Bibliographie

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