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Séminaire "Ethnocritique de la littérature" (EHESS, 2012-2013)

Séminaire "Ethnocritique de la littérature" (EHESS, 2012-2013)

Le séminaire a débuté par deux séances de « cadrage théorique » animées par Marie Scarpa ; il s’agissait de situer l’ethnocritique dans l’ensemble des relations entre anthropologie et littérature (que l’on peut grossièrement classer en trois grandes parties : la littérature comme anthropologie, la littérature et l’anthropologie, l’anthropologie de la littérature) et d’en présenter une définition générale et les grandes problématiques actuelles.

 

L’une d’entre elles – celle du personnage liminaire - a fait l’objet d’une première étude de cas : on a rappelé les éléments du dossier « Félicité » (Un cœur simple, Flaubert), dont l’exploration a commencé lors du séminaire 2011-2012. Cette année l’analyse a porté principalement sur le corpus des brouillons de ce conte littéraire et confirmé à quel point le travail des avant-textes est structuré par l’inscription de signes (détails narratifs, microstructures, schèmes) prémonitoires ; la figure de Félicité s’y dessine sous un jour dialogique inattendu.

 

La réflexion menée sur les signes / intersignes du récit en relation avec le destin d’un personnage a été poursuivie par Sophie Ménard (post-doctorante en ethnocritique) dans une analyse consacrée au système augural dans le récit naturaliste. L’étude de Germinie Lacerteux (Goncourt, 1865) a mis en évidence une poétique des intersignes (mantiques bibliques, intersignes folkloriques, prévoyances domestiques et économiques, promesses matrimoniales) qui configure la narration et l’ancre dans le temps multiple de la culture du texte. Jusqu’à donner à l’écriture goncourtienne qui fait coexister tous ces savoirs interprétatifs une saveur… « superstitieuse ». Ce chantier sur les systèmes prédictifs et narratifs qui place l’investigation ethnocritique au cœur de la textualité et de l’herméneutique de la littérature sera repris l’an prochain.

 

Le séminaire a ensuite accueilli successivement Paul Fournel, Marie-Christine Vinson et Bertrand Gervais.

 

P. Fournel, éditeur, écrivain et chercheur (spécialiste du théâtre du Guignol lyonnais au XIX° s.) a mis en mouvement (marionnettes à l’appui) les dimensions culturelles de cet art de format populaire où se croisent culture politique et culture comique sur un fonds d’inventivité culturelle (souvent censurée) et de performances théâtrales, entre libres affiliations esthétiques et émois esthésiques des corps et des esprits (forts).

 

A partir d’un riche dossier iconographique (XVI°-XXI°s.), M.-C. Vinson (Université de Lorraine) a présenté l’histoire culturelle du motif rituel de l’asouade (promenade à l’envers sur l’âne pour les maris dominés par leurs femmes). Cette étude d’anthropologie du rite et des discours se conclut par une analyse ethnocritique d’un roman de la Comtesse de Ségur (Diloy le chemineau, 1868) qui folklorise (et moralise) le thème, et d’une série d’illustrations plus contemporaines qui stylisent et esthétisent le motif.

 

La dernière partie du séminaire a été consacrée à la poursuite de nos réflexions sur la raison graphique considérée du point de vue de la matérialité de l’écrit et plus spécifiquement de la ligne droite ou brisée de l’écriture. Jean-Marie Privat a exploré le roman de Laurence Sterne Tristram Shandy (1759) en prenant pour fil directeur de la cosmologie textuelle de ce récit la figure labile du hobby horse en ses imprévisibles trajectoires, son bestiaire festif et ses parodiques tracés. Ce cas d’école a permis de commencer à esquisser des éléments de linéalogie littéraire multipolaire (dimension anthropologique et métaphysique, sémio-pragmatique et médiologique, générique et stylistique, éthique ou axiologique, poïétique en un mot de la ligne droite d’écriture) et de programmer de futures investigations dans des corpus (y compris plastiques) plus modernes.

L’intervention de Bertrand Gervais (UQAM/Figura), spécialiste des arts et des littératures hyper-médiatiques et des imaginaires contemporains a permis d’enrichir (documents inédits à l’appui) notre réflexion collective sur le destin des lignes dans les univers de fiction aux géométries verbales à la fois scribales et tribales.                 

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Date de fin
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