Communication présentée dans le cadre du colloque "Idiots. Figures et personnages liminaires dans la littérature et les arts" (UQAM, Figura, 2010).
Cette étude a entrepris d’analyser la vision de Bernadette Soubirous dans le roman Lourdes (1894) d’Émile Zola pour saisir comment le romancier représente les images mentales d’une simple d’esprit. Malgré le fait que l’écrivain considère l’outillage mental de l’enfantine comme limité, la voyante s’avère porteuse d’une mémoire et d’un savoir culturels: elle recompose, par son hallucination, le terreau archaïque de sa communauté. Si Bernadette est une «mal passante» du point de vue biologique et psychologique, elle est, au regard de la coutume, devenue l’icône de la passante et de la passeuse. Elle fait passer les malades dans le pays enchanté du rêve et de la guérison. Cette communication a tenté, plus précisément, de montrer que Bernadette Soubirous est un personnage liminaire du point de vue psychiatrique (en effet, son hystérie l’enferme dans une marge biologique et psychologique) afin de saisir comment son désordre psychique, qui consiste à halluciner la Vierge, indique non seulement un destin captif de la maladie, mais aussi de la coutume. Finalement, nous avons vu qu’en transformant son personnage en emblème du légendaire, Zola suggère qu’elle nourrit un peuple devenu enfant, simple d’esprit. La «passante», dans Lourdes, qui ramène de l’au-delà des visions et des miracles, modèle une collectivité à son image, c’est-à-dire primitive et archaïque.