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Les faits de langue chez Marcel Mauss

Pragmatisme, symbolisme et potentialités dialogiques

Les faits de langue chez Marcel Mauss

Image de couverture

S’il y a un point sur lequel les nombreux spécialistes de Marcel Mauss (1972-1950) sont d’accord concernant sa « méthode »1, c’est sur la place centrale qu’il décide d’accorder aux faits de langue. Il discute âprement des théories linguistiques et philologiques de son temps avec l’indo-européaniste Antoine Meillet ou l’indologue Sylvain Lévi puis, plus tard, avec le linguiste et dialectologue Marcel Cohen. Il profite de ses comptes rendus dans l’Année sociologique pour publier des critiques informées. Il annote profusément ses ouvrages, souvent pour rectifier des approximations dans les tentatives de traductions. Même dans les études philologiques les plus précises et les mieux documentées, comme celle du missionnaire Carl Strehlow qui est compétent dans au moins trois langues aborigènes, Mauss trouve des choses à redire. Il corrige, rectifie, précise, compare les traductions de Strehlow avec d’autres recueils de mots à sa disposition.

Dans son fameux Manuel d’ethnographie (1947), compilé par Denise Paulme à partir des enseignements qu’il donna durant les années 1920-1930 à l’Institut d’ethnologie2, la méthode philologique tient une place essentielle dans la méthodologie de l’ethnographe. Cette dernière implique, précise Mauss, non seulement une connaissance suffisante de la langue pratiquée et une méfiance devant les mots et leur traduction possible, mais aussi une nécessaire interrogation sur l’oralité3. Le tout doit permettre, insiste longuement Mauss, de transformer les mots en un document fiable, une « archive » :

Une bonne méthode de travail sera la méthode philologique qui consistera à recueillir d’abord des contes, en faisant collection des variantes (exemple : la première édition des contes de Grimm); puis les traditions spéciales à chaque village, à chaque clan, à chaque famille. Travail souvent énorme, très complexe. (2002 : 22)

Quelques pages plus loin, il souligne :

Méthode philologique. – Elle suppose la connaissance de la langue indigène. On établira un recueil complet de tous les textes entendus, y compris des plus vulgaires, qui ne sont jamais les moins importants. Transcrire tous les mots indigènes dans la langue indigène, en coupant les mots, ce qui est très difficile. On notera la musique; s’il s’agit de langues à ton, noter à l’égal d’un signe phonétique quelconque. On essaiera de trouver des recueils indigènes, et des informateurs capables de donner une tradition constante. Un bon moyen d’apprendre la langue du pays est d’avoir recours aux bibles déjà publiées en pays de missions. Pour chaque texte, donner tous les commentaires possibles indigènes – pas les vôtres. D’excellents exemples de publications sont ceux que donnent les livres de M. Leenhardt. En principe, l’enregistrement philologique doit être fait mot pour mot, le mot français sous le mot indigène; aucune violation de la syntaxe indigène, aucune fioriture dans votre traduction : le charabia le plus direct possible. À la traduction juxtalinéaire, on joindra un texte en français, qui donnera l’impression du texte indigène. Si l’on ajoute un mot, le mettre entre crochets; marquer la ligne du texte indigène dans le texte français. Alinéation complète. Noter des vers en indiquant les longues et les brèves, les temps forts et les temps faibles. (2002 : 35-36)

C’est ce lien de Mauss avec les sciences du langage que je souhaiterais circonscrire dans cet article en suivant trois pistes de réflexion.

La première m’offrira l’occasion d’interroger la manière dont Mauss, dès ses premiers articles, y compris celui sur le sacrifice qu’il cosigne avec l’historien Henri Hubert en 1899, décide d’adopter certains traits particuliers des recherches philologiques et linguistiques dans le but d’analyser les phénomènes religieux4.

La seconde piste me permettra d’aborder ensuite ce que l’on a coutume d’appeler l’approche pragmatique du langage que Mauss introduit dans son article de 1904 sur la magie en décidant d’interroger l’efficace des formulations magiques (Mauss et Hubert, 2019), ainsi que dans sa thèse inaboutie – et partiellement publiée en 1909 – sur la prière (Mauss, 2019).

Enfin, et comme dernière piste de réflexion, nous nous intéresserons à l’Essai sur le don (Mauss, 2007) afin de signaler et de comprendre l’absence dans sa conception d’un élément essentiel. En effet, et alors que le modèle tripartite du don (don, contre-don, re-don) semble s’y prêter parfaitement, Mauss ne s’engage pas dans la voie d’une analyse de la dimension pragmatique du dialogisme, encore moins de la force « sociale » de l’interaction verbale5.

 

I. Des « bienfaits » de la philologie

C’est à la demande de son oncle Emile Durkheim, alors qu’il étudie à Bordeaux, que Mauss s’inscrit à l’École pratique des hautes études pour suivre les cours de l’indianiste Sylvain Lévi durant l’année 1896-18976. S. Lévi y poursuit la traduction des textes des Brahmanas qui contiennent des descriptions détaillées de certains rituels sacrificiels7. La première rencontre entre les deux hommes, narrée par Mauss après la mort de Lévi, ne laisse planer aucun doute sur l’érudition requise a minima pour alors pouvoir faire son entrée dans le champ de la philologie sanskrite :

Avec sa pure franchise, [Sylvain Lévi] se moque de moi : « Le sanskrit seul vous prendra trois ans, le sanskrit védique un an au moins de plus, et tout votre sujet ne comporte pas de connaissances médiocres. Jetez par-dessus bord tous les auteurs de seconde main, Max Müller en tête et toute l’ethnographie comparée avec elle. » (1969 : 537)

La suite de la conversation fut plus tendre :

« Voici, nous allons faire un essai, me dit-il. Prenez La religion védique de Bergaigne, et dites-moi ce que vous en pensez. » C’était la première fois que j’entendais parler de Bergaigne. En trois jours j’avais tout lu. Je revenais chez lui. Je lui dis que si Bergaigne avait raison, c’était que tous les autres avaient tort et que j’étais décidé à m’en assurer. C’était la réaction qu’il attendait de moi. (1969 : 537)

Durant l’année 1898, au moment de la rédaction de l’Essai sur le sacrifice8 – et alors qu’il poursuit sa formation chez Lévi9, mais aussi chez W. Caland à Leyde, qui termine une traduction du Kausika Sūtra, et chez M. Winternitz à Oxford, qui vient de publier la traduction de la seconde édition du Rig-Veda (1890-1892) –, le jeune Mauss va décider d’adopter trois axes méthodologiques majeurs qui orientent alors les recherches de ces philologues.

1. Sylvain Lévi, qui a suivi les enseignements d’Abel Bergaigne et de James Darmesteter, remet largement en question l’idée qu’il existe une hiérarchisation entre les langues, révoquant au passage l’hypothèse évolutionniste d’une langue originelle (Ursprache). Mauss va tirer profit de sa critique pour, dans le cas précis des phénomènes religieux, essayer de s’abstraire lui aussi de cette encombrante question de l’origine d’une religion primordiale commune. Ce qui compte désormais, bien qu’une représentation évolutive de l’histoire soit encore présente dans son analyse, c’est d’appréhender comment différents types d’un même phénomène se sont succédé dans l’histoire, parfois en naissant les uns des autres. Il n’y a donc pas d’origine au sens d’un commencement absolu, ou d’une naissance ex nihilo. Il n’y a que des recombinaisons d’éléments divers, une multitude de choix sociaux et historiques. Ce refus de penser l’« origine » d’une institution sociale comme le sacrifice10 est alors pour le jeune sociologue un moyen de porter un coup fatal aux délires étymologisants qui traversent la mythologie comparée et l’histoire des religions en cette fin du XIXe siècle, en particulier ceux de Max Müller qui applique sans discernement ce schéma évolutionniste aux croyances religieuses afin de retrouver un prétendu fond commun mythographique11.

2. La seconde perspective philologique que Mauss va s’employer à développer dans son anthropologie des pratiques religieuses est en lien avec la pratique comparative que ces linguistes et philologues opèrent à partir de deux prescriptions importantes. La première est qu’une comparaison entre des noms de dieux, des types de croyances ou des pratiques rituelles, doit savoir aussi prendre au sérieux les différents états historiques et sociaux de développement de la société. Comme le dira Mauss, l’analyse comparée d’une croyance ou d’une pratique rituelle ne peut pas rester comme « en l’air ». Le second impératif est qu’une comparaison ne peut en aucun cas se satisfaire des ressemblances et des analogies de surface et qu’elle doit impérativement prendre en considération les différences et leurs variations12. Dans le domaine de l’histoire des religions, Mauss aura certainement été l’un des premiers à avoir donné aux différences une place centrale, ne serait-ce que pour souligner ce qui distingue son approche des nombreuses comparaisons opérées alors par les anthropologues anglo-saxons, dont J. G. Frazer ou Max Müller. Il formalisera sa pratique comparée en 1909 dans la longue préface qui inaugure les Mélanges d’histoire des religions :

C’est à travers les particularités des institutions que nous cherchons à trouver les phénomènes généraux de la vie sociale. C’est seulement par l’étude des variations que présentent les institutions suivant les sociétés que nous définissons, soit les résidus constants que ces variations laissent, soit les fonctions équivalentes que les unes et les autres remplissent. Par là, nous différons des anthropologues anglais et des psychologues allemands. Ils vont droit aux similitudes et ne cherchent partout que de l’humain, du commun, en un mot, du banal. Nous nous arrêtons, au contraire, par méthode, aux différences caractéristiques des milieux spéciaux, c’est à travers ces caractéristiques que nous espérons entrevoir des lois. (Mauss et Hubert, 1909 : XL).

3. Le troisième élément venant des méthodes de la philologie et que Mauss va chercher à utiliser à son profit est le principe qui consiste à considérer les faits de langue comme une expression de l’activité humaine. On doit en effet étudier les mots comme s’il s’agissait de documents d’archives historiques, sociales, voire psychologiques, qui peuvent aller jusqu’à donner à voir la structure de pensée et de sentir des gens. C’est le sens ultime, à notre avis, de sa méthode qui consiste à retrouver ce qu’il nomme la « vie » indigène13. Cette perspective a été largement soutenue par Antoine Meillet, comme dans son article de 1905 « Comment les mots changent de sens ». Publié dans L’Année sociologique, ce texte fondateur entérine l’idée que le langage est un phénomène social. Plus encore, il est une « institution ». En effet, précise l’indo-européaniste en suivant la définition canonique de Durkheim, le langage est obligatoire; il existe en dehors des individus; il se transmet; il s’altère avec l’histoire et l’organisation sociale14. Un phénomène social d’autant plus déterminant que c’est autour de lui que viennent se cristalliser les autres phénomènes dits sociaux, comme l’économie, la politique et surtout la religion. En suivant cette idée, Mauss en arrivera à la conclusion anthropologique que les choses qui sont exprimées par les mots (comme les croyances religieuses) se transforment de manière régulière. Il n’y a pas d’immobilité, ni dans la langue ni dans le social. Partout et toujours, il n’y a que des variations15.

 

II. Une approche pragmatique du langage

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Légende / Crédits

Marginalia de Marcel Mauss apposé sur le livre de Carl Strehlow, Die Aranda und Loritja-Stämme in Zentral-Australien, Ed. Städtisches Völkerkunde-Museum Frankfurt am Main and Moritz Freiherr v. Leonhardi, Vol. 1, Frankfurt, 1907 (Bibliothèque du Musée du Quai Branly), photographié par Jean-François Bert.

Cette attention sans faille de Mauss aux faits de langue, présente dans la plupart de ses travaux, témoigne de sa grande sensibilité devant les faits, aussi minimes soient-ils – ce que l’anthropologue appelle aussi le « réel » –, tout comme elle introduit une différence importante avec son oncle E. Durkheim. Ce dernier avait pris le parti de rejeter l’approche philologique pour sa vaine érudition. La différence entre les deux approches est tout particulièrement visible dans deux articles de Mauss : l’« Esquisse d’une théorie de la magie », qu’il co-écrit avec l’historien Henri Hubert en 1904, et le premier volume de sa thèse sur la prière, qu’il publie chez Alcan en 1909, avant de se raviser et de demander à son éditeur de retirer le fascicule de la vente. Ces deux textes sont des exemples parfaits de ce que l’on désigne désormais comme étant l’approche pragmatique du langage que Mauss cherche à utiliser dans le cadre de sa sociologie religieuse et qui va lui permettre d’instaurer une division opératoire des rites entre les rites dits « manuels » et les rites dits « oraux »16.

Dans l’« Esquisse », Mauss et Hubert se servent de cette distinction (déjà utilisée par l’historien dans son long article « Magia », publié en 1902 dans le Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines de Pottier et de Saglio) pour observer la place des incantations dans les rituels magico-religieux. Désormais, tout a de l’importance, en tout premier lieu les mots utilisés et répétés par le magicien lors des cérémonies. Ce qui intéresse nos deux auteurs, c’est de comprendre d’où ces mots, parfois vides de sens ou qui servent uniquement à nommer les dieux ou des esprits, tirent leur efficacité magique. Pour cela, Mauss et Hubert interrogent le contexte d’énonciation – le « milieu magique » – qui se définit par des cercles d’interdictions ainsi que par un système complexe de rites d’entrée et de sortie. Ce qu’ils découvrent en analysant ce monde séparé, distinct, c’est que derrière l’aspect apparemment chaotique des pratiques du magicien et l’apparente liberté de l’usage des mots dans les incantations et les prières, la contrainte sociale joue un rôle déterminant. La magie consiste en un formalisme dans les recettes, les préparatifs, les rituels mais aussi et surtout dans les incantations. C’est ce formalisme qui constitue l’un des moteurs de l’efficacité des pratiques magiques17 :

Le fait que toute incantation soit une formule et que tout rite manuel ait virtuellement une formule, démontre déjà le caractère formaliste de toute la magie. Pour les incantations, personne n’a jamais mis en doute qu’elles fussent des rites, étant traditionnelles, formelles et revêtues d’une efficacité sui generis; on n’a jamais conçu que des mots aient produit physiquement les effets désirés. (Mauss et Hubert, 2019 : 111)

Si l’on peut qualifier cette approche du langage magique de « pragmatique », c’est d’abord parce qu’elle amène Mauss et Hubert à considérer tous les faits comme importants, y compris les plus insignifiants. Il n’y a plus rien de négligeable, plus rien d’anodin dans la perspective défendue par les deux auteurs, en particulier lorsqu’il s’agit d’interroger la diversité des pratiques rituelles, ou l’arbitraire des formules incantatoires18.

C’est un même point de vue que Mauss décide d’adopter dans sa thèse sur la prière. Débutée à la fin du XIXe siècle, il en publie la première partie sur la prière collective australienne en 1909, au moment où il candidate pour la seconde fois à la chaire d’histoire des religions du Collège de France. Ce travail lui fournit l’occasion de clarifier plusieurs points méthodologiques – en particulier sa prise de distance avec l’évolutionnisme –, mais il lui sert surtout à évoquer la place du langage et des mots dans ses interprétations. Tout d’abord, Mauss rappelle qu’il est faux de considérer le langage comme n’étant que du dit. À l’exemple de la prière, celui-ci mêle actions et représentations. Pour reprendre sa terminologie, rites manuels et rites oraux s’articulent et se croisent continuellement au cours d’une cérémonie. Le second point important, insiste Mauss, est que chaque langue est particulière. C’est à celui qui analyse le langage qui revient de spécifier à chaque fois les différences en distinguant les usages qui en sont faits à l’intérieur d’une même civilisation. Le troisième élément qu’il met en avant dans sa thèse est que le langage est surtout la marque de l’arbitraire culturel. De fait, on ne peut le saisir véritablement que dans ses réalisations, qui sont variables à l’infini. Pour cela, l’observateur doit être attentif à tout ce qui se dit, mais aussi, tel qu’il s’était en partie employé à le faire dans son texte sur la magie, à la manière dont les choses sont dites19. C’est ce que Mauss va chercher à illustrer en analysant dans le détail le cas des prières collectives du clan aborigène des Aruntas. Il va attacher un soin tout particulier à décrire les nombreuses contraintes qui pèsent sur l’énonciation des formules répétées sous forme de chant ou de cri, décrivant par exemple jusqu’à la mesure que l’on bat avec les bâtons de musique. Gestes, mélodie, rythme, regard, présence d’auditeurs ou non sont autant de « détails » que Mauss introduit dans sa description pour montrer comment une prière collective relève d’une récitation qui traverse le corps de chaque orant pris séparément, avant de se retrouver projetée dans l’ensemble du corps social. La prière n’est rien de moins que ce moment particulier de la « vie » sociale du clan durant lequel les traditions s’établissent et se transmettent entre les générations présentes.

C’est en s’interrogeant aussi sur le sens de certaines formules répétées mais peu compréhensibles pour les auditeurs que Mauss renouvelle son interrogation sur l’autorité et l’efficacité de ces paroles. Comment un mot désuet, hors du registre de locution normal, peut-il avoir un effet? Pour Mauss, le fait d’utiliser des locutions anciennes permet symboliquement de créer un lien entre le passé mythique de la tribu (les mots sont ceux des ancêtres), l’actualité de la cérémonie en cours, et le souhait que porte la prière vers le futur. Pour Mauss, il ne peut pas y avoir de doute, la prière australienne est un phénomène langagier complexe. Il s’agit certes d’une parole, mais aussi d’un instrument d’action, performatif, et d’un moyen d’exprimer des sensations car même lorsqu’il s’agit d’un simple cri, ajoute Mauss, il s’agit en fait toujours

[…] d’exprimer brutalement, […] un désir d’une extraordinaire intensité et aussi une satisfaction anticipée comme en témoigne l’enfant à la vue de l’objet de son désir, satisfaction qui rend l’objet aussi présent que s’il était définitivement possédé. En somme, non seulement le désir mais encore l’effet moral du rite sont immédiatement ressentis et exprimés. (2019 : 184)

Cette démonstration de Mauss sonne cependant comme un aveu, celui du manque de données et d’informations fiables concernant, justement, ce contexte d’énonciation. C’est en partie cela qui explique l’abandon de la suite de ce travail de thèse20. En effet, si le missionnaire et ethnographe Carl Strehlow a pu recueillir de nombreuses informations sur la manière dont sont récitées les prières lors des cérémonies annuelles des clans australiens, il manque de données identiques pour les récitations des prières en Inde, en Chine ou en Mélanésie. Rien, en tout cas dans la littérature ethnographique, ne permet à Mauss de renseigner le rythme musical induit par la répétition des formules ou les nombreux gestes effectués par les participants pour accompagner la récitation21. De la même façon, rien ne nous informe sur le changement des expressions faciales pendant la cérémonie, sur l’absence d’un geste, d’un mot dans une répétition, ou encore d’un membre de la tribu. Une « matérialité » qui a dans le système interprétatif de Mauss une signification, ne serait-ce que parce qu’elle a une place et une fonction dans le rite ou dans l’événement que constitue la cérémonie.

 

III. De la dynamique du langage dans le don?

Après sa thèse inaboutie, les faits de langue sont bien entendu encore largement présents dans les interprétations maussiennes, mais notre auteur semble cependant plus intéressé à saisir la logique symbolique que, depuis son article sur le sacrifice, il perçoit en fait comme un mécanisme de production de sens au cœur de la vie sociale22. C’est ce que montre, en prenant un exemple connu, son interprétation du fameux cri onomatopéique des Arandas, le « Ngai Ngai Ngai » (1950 : 295), qui vise à reproduire le son des gouttes d’eau tombant sur un rocher. Si Mauss fait de ce cri un symbole, ce n’est pas parce qu’il constitue une grossière imitation d’un mécanisme naturel (ce qu’aurait certainement admis Durkheim), mais parce qu’il ramène la tribu à un passé commun, un passé largement mythique, qui forme une mémoire originaire et partagée. Cette onomatopée est de ce point de vue une totalité, soit pour Mauss, tout un monde de sens dans un petit détail.

Le symbolisme, ou plutôt la matérialité des symbolismes – à savoir, l’importance des formes externes, des gestes et de toutes les déterminations matérielles qui accompagnent la mise en œuvre de chaque action sociale –, devient de l’ordre d’un véritable programme de recherche, comme le laisse d’ailleurs entendre Mauss dans son Manuel :

Une notion fondamentale domine toutes ces questions si enchevêtrées : c’est la notion de symbole. Si Durkheim a exagéré le rôle de l’emblème dans le totémisme, il n’en a pas moins senti l’importance de cette notion. Les gens se conçoivent symboliquement. On trouverait difficilement, même chez nous, un concept qui ne soit pas à quelque degré un symbole. Cette étude du symbolisme proprement dit doit porter avant tout sur les symbolismes graphiques, qui serviront de point de départ pour l’enquête. Derrière les symbolismes graphiques, on trouvera tous les symbolismes géométriques; et derrière les symbolismes géométriques, tous les symbolismes figuratifs, tels que par exemple le langage des fleurs. (2002 : 342)

Une question, alors, se pose. Dans ses travaux des années 1920, Mauss a-t-il délaissé la réalité des pratiques langagières – la question de la dynamique du langage et de l’interaction verbale –, au profit du seul symbolisme, conçu qui plus est comme le reflet d’un état émotionnel collectif?

C’est un exercice toujours périlleux de vouloir expliquer rétrospectivement pourquoi un auteur n’a pas été en mesure de dégager de nouvelles orientations à partir d’hypothèses pourtant profondément novatrices. Le cas de ce rendez-vous manqué de Mauss avec le « dialogisme » est particulièrement perceptible dans l’Essai sur le don puisque le modèle tripartite du donner/recevoir/rendre évoque la dynamique ternaire du parler/écouter/répondre. L’absence est d’autant plus remarquable que Mikhaïl Bakhtine, principalement dans Les Problèmes de l’œuvre de Dostoïevski (1929), synthétise sa conception du « dialogue ». Sans aller jusqu’à dire que la question était alors dans l’air du temps, elle a été abordée par plusieurs linguistes qui participent au cercle bakthinien, qu’il s’agisse de Medvedev ou encore de Volochinov (Bert, 2014). Deux explications à cette absence semblent cependant possibles.

Premièrement, le rapport de Mauss aux faits de langues est resté un rapport au texte et non à l’oralité. Le texto-centrisme de son anthropologie comparée est profond et tient certainement, comme l’avait d’ailleurs suggéré Tarot, à son appartenance à la tradition culturelle et religieuse du judaïsme. C’est cette filiation qui lui a permis de développer une certaine pratique herméneutique de lecture des textes, à partir de laquelle il va établir des rapprochements, susciter des prolongements ou encore relancer le jeu des interprétations. Contrairement à Jack Goody, Mauss n’a jamais fait l’expérience de l’oralité, avec tout ce que la vitalité des récitations et des mythes déclamés publiquement implique. André-Georges Haudricourt, l’un des élèves les plus assidus de Mauss au début des années 1930, futur linguiste et phonologue reconnu des langues de l’Asie du Sud-Est, rappela non sans malice qu’à l’Institut d’ethnologie, où officiait Mauss, bien peu de responsables avaient fait du terrain : « Marcel Mauss n’avait jamais fait aucun terrain, le seul qu’il rappelait dans son cours c’était quand il était interprète de l’armée anglaise pendant la guerre de 14, et qu’on avait donné des bêches françaises à des Anglais qui ne pouvaient pas s’en servir. » (1972 : 89) En effet, Mauss n’est pas le seul dans cette étrange situation qui consiste à enseigner le « terrain » sans en avoir vraiment fait. Marcel Cohen, fondateur de la sociologie du langage, eut lui aussi le plus grand mal à intégrer dans son analyse dialectologique du parler arabe des juifs d’Alger, publié en 1912, des faits linguistiques obtenus non pas à sa demande, mais produits de façon spontanée et entendus dans des situations quotidiennes.

Mais il y a encore une autre raison que l’on peut évoquer. Elle tient au modèle sociologique qui sous-tend toute la réflexion de Mauss et qui, à mon sens, l’empêche d’aller dans la direction d’une analyse de l’échange interindividuel au sein d’une communauté linguistique. Certes, la société est pour Mauss de l’ordre d’un groupe structuré par la morphologie et la physiologie, ce qu’il appelle la « vie » sociale. Certes, toute relation de don implique un donataire et un donateur, ainsi d’ailleurs qu’un objet sur lequel vient se brancher la relation entre les deux individus. Cependant, il serait trompeur de transformer cette sociologie en une stricte sociologie des relations. Mauss ne place pas les formes d’action réciproque au cœur des sociétés, tout simplement parce que, de son point de vue, ce ne sont pas elles qui permettent d’expliquer comment se façonnent les individus. L’essence de toute vie sociale se trouve ailleurs, en grande partie dans les « désirs », dans les « affects » et dans les effets de certains « états mentaux », dont celui de l’attente sur lequel il revient à plusieurs reprises. Ainsi, et si l’on reprend le cas du don, ce que Mauss cherche à interroger, ce n’est pas seulement la relation entre le donateur et le donataire, ou le rôle de l’objet médian, c’est aussi (et surtout) l’intention qui rend le don « obligatoire ». C’était finalement déjà le cas en 1904 dans l’Esquisse de la magie. À ce moment-là, ce n’est pas le magicien qui l’intéresse, ni même celui qui en vient à se tourner vers la magie pour obtenir ce qu’il entend. C’est le « désir » (de guérir, de prospérer...) qui se trouve à la base de toute magie. C’est sur ce désir que le magicien vient se brancher pour fonder l’efficacité de son traitement.

Quelles sont ces émotions qui imprègnent les individus et le groupe? Quels sont ces affects qui rendent possible la solidarité et l’existence d’une vie sociale? Quels sont ces désirs sur lesquels se fonde l’interaction? Des choses que Mauss décidera, fidèle à son habitude, d’analyser comme un langage :

Mais toutes ces expressions collectives, simultanées, à valeur morale et à force obligatoire des sentiments de l’individu et du groupe, ce sont plus que de simples manifestations, ce sont des signes des expressions comprises, bref, un langage. Ces cris, ce sont comme des phrases et des mots. Il faut dire, mais s’il faut les dire c’est parce que tout le groupe les comprend. On fait donc plus que de manifester ses sentiments, on les manifeste aux autres, puisqu’il faut les leur manifester. On se les manifeste à soi en les exprimant aux autres et pour le compte des autres. C’est essentiellement une symbolique. (1969 : 277-278)

  • 1. On connaît le mot d’ordre de Mauss qui consiste à toujours aller « du concret vers l’abstrait et pas inversement » (Mauss, 1950 : 366).
  • 2. Pour en savoir plus sur ses enseignements à l’Institut, voir Hirsh, 2017.
  • 3. C’est la thèse de Camille Tarot (1999 : 356-357).
  • 4. Au début du XXe siècle, la discipline se divise entre les philologues, comme Ferdinand Brunot, et les linguistes, comme Antoine Meillet qui est alors intéressé par le domaine indo-européen. La fin de la Première Guerre mondiale signe l’arrivée d’une nouvelle génération de savants (dont Joseph Vendryès, Henri Maspero ou encore Maurice Grammont), mais aussi le développement d’institutions savantes au rôle important, comme la Société de linguistique de Paris qui se veut ouverte aux linguistes du monde entier et qui se donne pour fonction de diffuser les nouvelles orientations de ce vaste champ de recherche.
  • 5. Nous utilisons ici la définition canonique du dialogisme en considérant le fait qu’un énoncé se produit toujours en interaction avec d’autres énoncés, occasionnant une circularité entre parler/écouter/entendre et enfin répondre (ou pas).
  • 6. Pour en savoir plus, voir Lardinois, 2017 ou Simon-Nahum, 2017.
  • 7. Projet de traduction qui donnera lieu à la publication de La Doctrine du sacrifice dans les Brâhmanas (1898). Pour Mauss et pour l’historien et archéologue Henri Hubert, l’ouvrage de Lévi sera le point de départ de leur propre réflexion sur la nature et la fonction du sacrifice, étant donné que la traduction de l’indologue permet d’interroger sans doute pour la première fois la logique interne des diverses opérations sacrificielles prescrites, ainsi que leur portée « sociale ». En effet, comme le remarquent alors Mauss et Hubert, le sacrifice védique entrelace continuellement différents niveaux : l’organisation du cosmos, celle de la société mais aussi celle de la vie corporelle de l’individu.
  • 8. Ce travail sur le sacrifice a été pour Mauss un puissant révélateur de sa grande méconnaissance des langues et de la philologie : « J’ai mené une vie fantomatique, dans un rêve sanscrit m’acharnant à des textes trop difficiles pour moi, ayant le cauchemar de n’avoir jamais fini, voyant tous les jours mes ambitions se restreindre, mon ignorance plus grande, et avec l’idée horrible d’une faillite nouvelle. » (Lettre de Marcel Mauss à Henri Hubert, 1898, citée dans Bert, 2012 : 128)
  • 9. Un enseignement rigoureux si l’on en croit Mauss : « Il [Sylvain Lévi] nous faisait faire aussi des exercices, des versions, et des thèmes […]. Cependant, Sylvain, de son côté, faisait sur nous le même métier. Il nous initiait à l’austère chrestomathie de Böthlingk et à la grammaire de Bergaigne, rachetant la dureté de l’épreuve par une autre conférence avec d’étincelants commentaires aux Indische Sprüche et à Nala et Dâyamantî. L’année suivante, il nous initiait avec Finot au pâli et à la traduction bouddhique, et à lui seul nous guidait dans Manu et dans le théâtre hindou. » (1969 : 537-538)
  • 10. Mauss et Hubert sont parfaitement clairs sur ce point : « Nous ne songeons donc pas à faire ici l’histoire et la genèse du sacrifice et, s’il nous arrive de parler d’antériorité, il s’agira d’antériorité logique et non d’antériorité historique. » (2016 : 50)
  • 11. Sur la manière dont les travaux de Max Müller perdent de leur influence en France à la toute fin du XIXe siècle, voir Laplanche, 1999.
  • 12. Comme l’a très justement noté Camille Tarot, Mauss a vu très tôt « que les différences sont aussi importantes que les ressemblances, en particulier dans l’étude des religions où, pour un tas de raisons pratiques et idéologiques, les différences sont traditionnellement mal vues, même par une science trop pressée d’aboutir » (1999 : 174).
  • 13. « Pour être précise, une observation doit être complète : où, par qui, quand, comment, pourquoi se fait ou a été faite telle chose. Il s’agit de reproduire la vie indigène, non pas de procéder par des impressions; de faire des séries, et non des panoplies. » (Mauss, 2002 : 38)
  • 14. Le principe du changement linguistique se trouve aussi dans la répartition des individus et des groupes, tout autant que dans le déplacement d’un mot d’un groupe social à un autre.
  • 15. Variations saisonnières, variations de circonstances, variations dans les formes.
  • 16. Les rites manuels obligent l’observateur à s’intéresser aux positions du corps, aux maniements des objets, aux lieux du rituel. Les rites oraux impliquent une description précise des formules, des mots prononcés, de la parole produite, jusqu’au son et aux souffles.
  • 17. Mauss puise cette idée du formalisme dans le travail de Charles Fossey sur la magie assyrienne. Dans son introduction, celui-ci indique que « le formalisme le plus rigoureux est en effet une des marques caractéristiques de toute magie : la parole et le geste sont tout-puissants, mais à condition d’être exactement conformes au rite, et d’être convenablement choisis pour l’espèce dont il est question » (1902 : 16).
  • 18. Ainsi, Mauss dans son article « Civilisations : éléments et formes », précise qu’« [u]ne chose déterminée, un mot, un conte, une sorte d’aménagement du sol, une structure intérieure ou extérieure de la maison, une poterie, un outil, tout a un type, un mode, et même, dans bien des cas, en plus de sa forme modèle, un mode à soi d’utilisation. Le domaine du social c’est le domaine de la modalité. […] La mode, quand on comprend ces choses dans le temps, est tout simplement un système de ces modalités. » (1974 : 470)
  • 19. Voir à ce sujet Leguy, 2013.
  • 20. C’est en tout cas ce que semble indiquer Mauss dans son autobiographie : « La publication a été arrêtée parce que sur ces entrefaites arrivaient des documents de Strehlow (Aranda und Loritja Stamma). Ils me furent communiqués; j’en ai pris copie; j’eus une correspondance avec leur auteur; je participai à leur publication; la guerre m’arrêta au moment où je m’introduisais définitivement dans mon travail qu’ils me permettaient de renouveler et d’approfondir. » (1979 : 217)
  • 21. Un point sur lequel Mauss reviendra dans son Manuel, profitant d’une nouvelle technologie d’enregistrement : « L’observateur enregistrera les formules sur disques, en accompagnant l’enregistrement d’une étude philologique. Il notera l’usage de chaque formule, usage qui peut évoluer, devenir un usage personnel, un usage solennel. Mentionner les répétitions qui peuvent être indéfinies. » (2002 : 337)
  • 22. Ce que choisit d’explorer Mauss, ce qui l’intéresse alors, ce sont les rebonds du sens, et plus précisément les mélanges, les fusions entre homme et choses, animé et inanimé, que ces rebonds de sens produisent. « Tout se mêle, tout se confond », finissait-il par s’enthousiasmer dans les lignes conclusives de son article sur le sacrifice (2016).
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Pour citer

Pour citer

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