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Ethnocritique. Signes de naissance 

Ethnocritique. Signes de naissance 

Première publication dans Les douze travaux du texte. Sociocritique et ethnocritique, sous la dir. de Pierre Popovic et Anne-Marie David, Montréal, UQAM, Figura, 2015, p. 27‑42. 

 

Une hypothèse heuristique naît de/dans une configuration scientifique et culturelle qui s’inscrit elle-même dans une relative longue durée intellectuelle et politique. Ce sont quelques éléments de cette dynamique que synchronise et syncrétise à sa façon l’ethnocritique que je me propose de mettre au jour ici. 

Les signes du temps 

Je partirai volontiers d’un partage épistémologique dans le territoire des sciences de la culture qui a fondé jadis une division du travail de recherche à l’interne des sciences du texte (et de la textualité littéraire).  

Une partition historique dans nos frontières disciplinaires s’est en effet opérée au XIXe siècle et la butte-témoin en est observable à vif dans les publications de la Société de Linguistique de Paris (SLP). L’article premier de ses premiers statuts officiels (1866) ouvre à une forme de science générale de la culture : 

La Société de Linguistique a pour but l’étude des langues, celles des légendes, traditions, coutumes, documents, pouvant éclairer la science ethnographique. Tout autre objet d’études est rigoureusement interdit 1.

Cette approche est certes datée mais elle impliquait une conception systémique et comparative des faits culturels qui ne sépare pas dans son principe le discursif de l’inter-discursif, ne segmente pas la praxis langagière et son énonciation sociale, n’isole même pas la pensée sauvage du monde de l’écrit. Or, dix ans plus tard exactement (1876), paraissent de nouveaux statuts (« approuvée par le Conseil d’État ») qui institueront la linguistique moderne comme discipline à part entière, autonome et inventive : « Art. 1 – La Société de Linguistique a pour objet l’étude des langues et l’histoire du langage. Tout autre sujet d’études est rigoureusement interdit. » Il en sera bien fini alors d’une approche compréhensive des univers symboliques qui vit Gaston Paris faire paraître dans les Mémoires de la Société de Linguistique de Paris Le Petit Poucet et La Grande Ourse (1868) et Michel Bréal publier des Mélanges de mythologie et de linguistique (1882). Le paradigme philologico-culturel et son exploration (aventureuse) des richesses anthropologiques de la langue et des discours avaient fait son temps. 

C’est d’un autre monde épistémologique que vint la réunion des approches ethnographiques et textuelles. Prenons l’exemple de Vladimir Propp, ses études sémio-historiques des systèmes culturels et leurs manifestations fictionnelles. Propp narratologue (La morphologie des contes) se double en fait d’un Propp folkloriste (Les racines historiques du conte merveilleux), ou plutôt c’est le même Propp qui est narratologue et folkloriste. Or, on sait combien la variante formaliste a non seulement occulté en France les études culturelles des corpus folkloriques, mais aussi comment elle s’est imposée  comme source et ressource de la modernité critique… quitte à déculturer la littérature. 

C’est peut-être avec Roman Jakobson (et son immense prestige intellectuel) que les liens sont vraiment sinon définitivement renoués – « entreprendre l’étude de l’art du langage sous tous ses aspects et dans toute son étendue » – au terme d’une très fameuse contribution significativement intitulée Linguistique et poétique2 : 

Chacun de nous ici […] a définitivement compris qu’un linguiste sourd à la fonction poétique comme un spécialiste de la littérature indifférent aux problèmes et ignorant des méthodes linguistiques sont d’ores et déjà, l’un et l’autre, de flagrants anachronismes. 

L’ethnocritique naissante s’est volontiers affiliée à cette conclusion programmatique qui renvoie aux hypothèses partagées des linguistes et des anthropologues : « le langage et la culture s’impliquent mutuellement […], la linguistique est étroitement liée à l’anthropologie culturelle »3. Ces perspectives sémio-culturelles ne suffirent pas toutefois à dépasser le primat attaché de facto à l’analyse des structures formelles du discours et des énoncés (plus qu’au dialogisme interne et à l’hétérophonie constitutive du discours littéraire), ou encore à l’héritage des traits de civilisation dans la langue (plus qu’à l’imaginaire culturel des fictions)4

Mais un horizon de travail était dessiné : V. Propp comme R. Jakobson et même les mythologues de la culture à l’ancienne mode eurent ainsi la vertu peu commune d’aider à s’extraire de l’académisme mental des problématiques et de l’orthodoxie lettrée des corpus. 

Le système des signes 

C’est sous l’effet conjugué des théories dynamiques de la culture dans les sciences sociales et des théories du sujet polyphonique dans les sciences humaines que l’ethnocritique a pu s’éloigner des conceptions documentaires ou pittoresques de la culture du texte et travailler à saisir les ethno-logiques (plus ou moins) inventives du récit. 

Au risque d’une perspective trop cavalière, je propose de passer en revue quelques-unes de ces théories de référence qui chacune à leur manière ouvre au processus de dialogie culturelle. 

  • La théorie psychanalytique de Freud participe sur un mode latent ou patent depuis le début de ce dialogisme intégratif qui (me) paraît consubstantiel à l’ethnocritique. Je me borne à rappeler ici combien les notions d’hétérogénéité constitutive du sujet ou de travail inconscient du texte et du lecteur à l’écoute des signes sont proches de notre exploration de l’hybridité culturelle des cosmologies fictionnelles. Et un même décentrement intellectuel – une exotopie productrice dirait M. Bakhtine – s’impose pour exotiser le quotidien sans scotomiser sa familière étrangeté.

 

  • Si l’ethnocritique s’intéresse aux variations culturelles et à leur architectonique discursive c’est aussi parce qu’elle dispose d’une théorie politique de la culture qui considère les altérités culturelles et les folklores indigènes non comme de pures et simples formations idéologiques (erreurs populaires, stupides préjugés, superstitions obscurantistes, croyances de bonnes femmes, etc.), mais comme autant de « conceptions du monde et de la vie », selon la formule d’Antonio Gramsci. Cette culture folklorique, frontale ou interstitielle, labile et oppositive, pour le meilleur ou pour le pire, à la pensée officielle et dominante, bref cette « philosophie spontanée » incorporée se manifeste dans des configurations symboliques et historiques propres aux classes subalternes et instrumentales. Mais ce « sens commun » qui accompagne les jeux et enjeux de l’histoire ne saurait être monologique : « Le peuple n’est pas une collectivité homogène de culture, mais présente des stratifications culturelles nombreuses combinées de manière variable » 5. Ainsi « le folklore ne doit pas être conçu comme une bizarrerie, une étrangeté, un élément pittoresque, mais comme une chose très sérieuse et qu’il faut prendre au sérieux. » Le Rimbaud d’Une saison en enfer nous y invitait déjà, en sa révolte poïétique : « J'aimais les peintures idiotes, dessus de portes, décors, toiles de saltimbanques, enseignes, enluminures populaires ; la littérature démodée, latin d'église, livres érotiques sans orthographe, romans de nos aïeules, contes de fées, petits livres de l'enfance, opéras vieux, refrains niais, rythmes naïfs. » (Alchimie du verbe, 1873). 

 

  • Même si dans son « George Sand folkloriste » (Mercure de France, 1er juin 1926, p. 371-384) Arnold van Gennep s’expose particulièrement à la critique gramscienne en ce qu’il tend à réduire l’événement littéraire à un document d’archéologie de la culture, sa théorie des rites de passages et son ethnographie calendaire et cyclique ont puissamment fécondé les recherches ultérieures en ethnocritique6. Et si dans l’œuvre immense et multiforme de Pierre Bourdieu il fallait retenir quelques points décisifs pour les débuts de l’ethnocritique ce serait sans doute l’ethnographie des cultures paysannes et dominées (ici béarnaises, là kabyles) qui ouvrent à la compréhension de systèmes symboliques participant latéralement ou plus substantiellement de la polyphonie du roman en régime réaliste7; et ce serait aussi sur un plan plus général et plus épistémologique ses réflexions sur le logocentrisme académique qui s’expose à deux erreurs d’analyse : « l’ethnologisme qui ignore le fait de la réinterprétation savante, et la neutralisation académique qui, entrant de plain-pied dans la logique lettrée de la réinterprétation, ignore le fonds rituel […]8 ». Il convient en effet de veiller à ce qu’une telle lecture ethnologiste ne laisse échapper « tout ce que le récit doit à la réinterprétation que son auteur fait subir aux éléments primaires […]. » Ils reçoivent en effet « un nouveau sens de leur insertion dans le système de relations  constitutif de l’œuvre […]. On ne peut donc, sans opérer une réduction injustifiable, traiter les traits culturels qu’une œuvre mobilise comme de simples éléments d’information ethnographique9 »

 

  • Les travaux critiques (critiques d’un possible légitimisme implicite des analyses distinctives de P. Bourdieu) de Claude Grignon et Jean-Claude Passeron constituèrent d’autres garde-fous épistémologiques et surtout d’autres outils extrêmement précieux pour la compréhension sociologique de « l’altérité domestique », familière voire intime. Le savant et le populaire10 contribua de façon décisive à penser la subtile approche dialectique des effets de la domination symbolique (« analyse idéologique ») et des modes de cohérence interne des subcultures (« analyse culturelle »), plus encore peut-être à clarifier en théorie les hypothèses sur la circulation dissymétrique des schèmes culturels et des interactions entre configurations imaginaires. Le choix n’est donc pas/plus entre, d’une part, la théorie romantique ou populiste qui place la culture populaire à l’origine (archaïque) de toute création culturelle (la langue par exemple ne serait dans cette perspective qu’une complexification savante du parler natif, dru et naïf, du peuple) et le modèle aristocratique et misérabiliste qui voudrait que toutes les formes de la culture circulent de haut en bas, des hauts-lieux de la légitimité socio-symbolique vers les bas-fonds où ces mêmes formes se déforment irrémédiablement… La littérature n’échappe pas nécessairement aux différentes formes de l’échange inégal et tire même souvent profit(s) de l’asymétrie des échanges symboliques, puisant à la fois dans « l’indignité culturelle des pratiques dominées » la plus-value de sa propre supériorité et le crédit inestimable du pouvoir de réhabilitation de pratiques autrement indignes11

 

  • Le travail de Claude Lévi-Strauss fut enfin une référence constante pour accéder à la texture du symbolique (vs l’illusion référentielle) et au pluri-codage des systèmes de signification (vs l’encodage positiviste). Cette coalescence d’une science du concret et d’une sapience de l’intelligible propre aux discours mythico-poétiques (ou magico-religieuses) informe souvent en fait la pensée sauvage12 des cosmologies fictionnelles, leurs systèmes de créance ou leurs imaginaires sémantiques, « nonobstant les efforts de la pensée analytique pour les subdiviser » en univers relativement autonomes ou purement métaphoriques13

Toutefois, ces savoirs experts qui captent les sources et ressources vives de la culture humaine sont plus en quête d’invariants dans la variation (le prestige des motifs, des structures, des modélisations) et semblent plus captivés par le jeu des altérités culturelles que par les hybridations constitutives de la textualité et leurs architectures littéraires. Aussi peut-on dire que le travail de transferts de paradigmes et d’adéquation des problématiques à la littérature restait à faire…  

La signifiance culturelle des œuvres 

Un premier ensemble mémorable de travaux d’analyses anthropologiques de corpus littéraires considérés per se fut sans conteste l’apport d’antiquisants et de médiévistes qui n’envisageaient plus les discours comme de précieux témoignages du passé dont il convenait d’établir la lettre ou de rétablir l’esprit, mais comme des univers structurés de signes organisés selon des imaginaires culturels que le chercheur en sciences humaines et sociales pouvait cartographier et interpréter.

L’anthropologie historique des discours comme systèmes culturels 

Cette anthropologie résolument structuraliste et textualiste se proposait de « cerner précisément les écarts entre types différents de discours, écarts dans le vocabulaire, les modes de composition, les articulations syntaxiques, les procédures narratives, les techniques de mise en relation par le texte des valeurs sémantiques14. » Cette précise et précieuse attention aux moindres « détails du texte » s’oriente selon une épistémologie et une méthodologie qui distinguent des formes, des modalités et des enjeux de discours. Le mythologue peut ainsi choisir de s’attaquer à une œuvre unique, la Théogonie d’Hésiode par exemple, « texte pris dans son tout, systématiquement composé et élaboré par son auteur » ; il peut aussi constituer un « vaste corpus thématique englobant toutes les versions des différents mythes […], en y intégrant leur axiologie dans la représentation courante » ; il peut enfin se situer à un niveau d’abstraction plus élevé, en construisant des « modèles généraux » pour examiner – « à titre d’exercice expérimental15 » pour reprendre l’expression de Vernant – dans quelle mesure ce cadre peut s’appliquer à des ensembles mythiques à première vue privés de tout lien les uns avec les autres. L’anthropologie historique des systèmes de croyance (les mantiques, le royaume des morts), des pratiques rituelles (l’initiation juvénile, la liminalité), des espaces symboliques (la domus, l’ager et le saltus), etc. nous a ainsi éclairé sur « la belle mort ou le cadavre outragé16 » (les rites de passage), sur le « tyran boiteux17 » (la dissymétrie symbolique) ou encore sur le « chasseur noir18 » (faire les hommes). Il faudrait en dire autant sinon plus encore des travaux sur le « long Moyen Age » qui ouvrit à l’anthropologie historique le champ des héritages culturels occidentaux. « Lévi-Strauss en Brocéliande. Esquisse pour une analyse d’un roman courtois » (1974) co-écrit par P. Vidal-Naquet et J. Le Goff fait figure de contribution exemplaire d’une lecture anthropologique à la croisée de l’histoire sociale, de l’ethnographie des mentalités et de l’étude des formes artistiques19. L’ethnocritique naissante trouva une grande stimulation intellectuelle dans ce type d’explorations de la pensée mythico-poétique indigène et de quelques-unes de ses figures totémiques (songeons à la mythologie de Mélusine en ses avatars littéraires20) ; et non moins d’interrogations heuristiques dans les reconstructions dissidentes et hétérodoxes d’un Claude Gaignebet à propos du folklore calendaire de Carnaval chez Rabelais (et Brueghel) ou dans la tradition orale des savoirs obscènes des enfants21, cette altérité du (toujours) proche. Cette anthropologie historique des discours comme systèmes culturels convergeait aussi avec les perspectives et les problématiques des processus de civilisation, aussi bien la « mutation anthropologique » que constitua le passage d’une culture commune orale à une culture écrite impériale22 que la civilisation des mœurs et des corps dans l’ordre du bio-symbolique23

L’anthropologie compréhensive des discours comme systèmes symboliques

Une impulsion sans doute décisive fut donnée à nos premières publications en ethnocritique quand elles croisèrent les travaux des ethnologues de la France contemporaine, ethnologues qui présentaient l’intérêt majeur d’inscrire la parole coutumière24 ou ordinaire25 au cœur de leurs enquêtes. Les façons d’analyser d’Y. Verdier présentèrent pour nous l’intérêt tout particulier de mettre en relation de co-occurrence l’univers des contes (oraux) et le monde familier des rôles socio-rituels, approche réticulaire plus que classiquement spéculaire où tel motif littéraire folklorique n’apparaît plus comme fantaisiste ou obscur et archaïque, mais comme culturellement motivé sinon régi par telles pratiques artisanales vivantes, par exemple. Cette intelligence ethnologique des constructions symboliques dans les univers praxiques et surtout cette découverte des règles culturelles dans l’économie des textes littéraires trouvera son modèle dans les analyses ethno-littéraires du grand cycle des romans de Thomas Hardy où l’écrivain met en scène les rustiques d’un Wessex imaginaire26. La littérature apparaît dès lors comme un savoir sur la société certes mais aussi comme un savoir de la société, à condition de quêter non le dévoilement d’un sens crypté ou local, mais le déploiement de l’infime et le rayonnement sémantique d’une cosmologie dans l’engendrement du récit. Cette poétique de l’ethnographie et cette ethnographie d’une poétique se retrouvent l’une et l’autre dans les contributions théoriques27  importantes de Daniel Fabre qui s’intéressa très tôt à l’émergence de l’écriture dans les sociétés de l’oralité et dont une partie des travaux concernaient dès cette époque l’anthropologie de la littérature et de l'écrivain28

La poétique culturelle des œuvres 

S’il est vrai que, pendant longtemps « la linguistique et la stylistique ont cherché avant tout l’unité dans la variété », on peut dire que dès le début l’ethnocritique s’est fixée comme programme descriptif et interprétatif d’être attentive à la variété dans l’unité, à l’hétérogénéité culturelle dans l’unité formelle de l’œuvre. La dynamique de ce qu’on appellera bientôt la poétique culturelle du texte suppose un intérêt non exclusif évidemment mais marqué toutefois pour trois modes de signifiance que je désigne ici par les termes plus ou moins néologiques de plurilogie, micrologie et dialogie. 

La plurilogie c’est en somme l’étoilement du sens et non son étiolement : 

Le texte dans sa masse est comparable à un ciel, plat et profond à la fois, lisse, sans bords et sans repères ; tel l’augure y découpant du bout de son bâton un rectangle fictif pour y interroger selon certains principes le vol des oiseaux, le commentateur trace le long du texte des zones de lecture, afin d’y observer la migration du sens, l’affleurement des codes, le passage des citations. 

Ce travail pluriel de la signifiance se déploie du signifiant graphique et phonique jusqu’aux structures symboliques qui configurent l’intraculture du texte littéraire. Notre hypothèse d’un charbovari flaubertien n’en serait que le premier exemple. 

La micrologie se focalise sur des phénomènes scripturaux qui renvoient aussi bien aux variations labiles avant-textuelles qu’aux stratégies narratives qui en littérature s’encrent dans ce que C. Ginzburg a appelé pour les sciences humaines le paradigme indiciaire. Il résume son propos dans une sorte de fable épistémique : 

Pendant des millénaires l’homme a été un chasseur. Au cours de poursuites innombrables, il a appris à reconstruire les formes et les mouvements de proies invisibles à partir des empreintes inscrites dans la boue […]. Il a appris à accomplir des opérations mentales complexes avec une rapidité foudroyante dans l’épaisseur d’un fourré ou dans une clairière pleine d’embûches […]. Peut-être l’idée même de narration est-elle née dans une société de chasseurs de l’expérience du déchiffrement des traces […]. Le chasseur aurait été ainsi le premier à “raconter une histoire” […].

Cette structuration/scrutation sémiotique du texte écrit et lu nous fait songer à la quête saussurienne d’un hypotexte culturel que la pensée sauvage de la littérature bricolerait. Ou encore au(x) subtexte(s) que M. Riffaterre cherche à identifier dans l’économie matricielle et figurale d’un récit : « A subtext is always structured on a polar opposition between a relatively unimportant topic and a wide-ranging hermeneutic function.» Marie Scarpa a établi ce type de fonctionnement sémio-narratif et politique pour le schème carnaval-carême dans sa lecture ethnocritique du Ventre de Paris

La dialogie, enfin et surtout, comme ensemble des rapports dialogiques intertextuels et intratextuels constitutifs de l’œuvre. Dans cette perspective typiquement bakhtinienne les énoncés littéraires sont perçus comme autant de « micromondes » qui stylisent des univers verbaux à la fois hybrides, composites et singuliers. On comprend combien ont pu alors nous paraître intellectuellement et politiquement stimulantes les conséquences programmatiques et méthodologiques que Bakhtine ne manquait pas de tirer de ses propositions (théoriques)  et prises de positions (son anthropologie philosophique): 

La littérature fait indissociablement partie de la culture […]. L’action intense qu’exerce la culture (principalement celle des couches profondes, populaires) et qui détermine l’œuvre d’un écrivain est restée inexplorée et, souvent totalement insoupçonnée […]. 

Les doubles conclusions, négative pour l’une, positive pour l’autre,  sont sans appel : 

  • « On s’interdit ainsi l’accès à la profondeur des grandes œuvres. La littérature prend l’allure d’une chose insignifiante, frivole. » 
  • « Une explication des structures symboliques a besoin de s’enfoncer dans l’infinité des sens symboliques. » 

Bien sûr, la facilité fut de se laisser porter par  l’air idéologique du temps et de réduire l’idiolecte culturel de l’œuvre à ses seules dimensions folklorico-liturgiques. La tentation interprétative était réelle dans la mesure où mettre en évidence la présence structurante de traits folkloriques ou de séquences liturgiques devenait presque un jeu d’enfants, un jeu où l’on gagne à tout coup tant les cultures folkloriques et religieuses sont absentes de l’horizon mental de l'homo academicus contemporain (français) dans sa variante lettrée et « moderne ». L’autre danger herméneutique était de réduire de fait la polyphonie culturelle des œuvres à une sorte de simple et séduisante biphonie oxymorique, et ce dans le sillage de la réception dominante des études culturelles de Bakhtine ou à l’imitation de travaux fameux d’historiens de la littérature sur les traditions « populaires » (au pluriel) dans la culture savante (au singulier). Peut-être est-il optimiste de penser aujourd’hui que les réflexions épistémologiques et méthodologiques d’un penseur aussi rigoureux et subtil et cultivé que A. J. Greimas ont pu aider l’ethnocritique naissante à cadrer avec quelque pertinence son champ d’investigation et de problématisation. Mais les contributions du sémioticien des cultures et des littératures (genres, motifs, niveaux d’analyse, codages de l’oralité, etc.) présentaient pour une ethno-critique naissante l’intérêt de tracer par exemple les différences structurelles entre cultures ethno-sémiotiques (la praxis syncrétique, orale et communautaire) et cultures socio-sémiotiques (la logos plus analytique, écrit et individuel) et de viser à poser en termes différentiels (et non plus historiciste ou romantique) et relationnels l’appropriation de l’altérité culturelle relative de l’une par l’autre. 

Dans le même temps, nous nous risquions à mettre un semblant d’ordre « pédagogique » dans la démarche proprement ethnocritique cette fois (ethnographie du contexte, ethnologie du texte, ethnocritique de l’opus, auto-ethnologie du lecteur) au risque de créer une intempestive doxa méthodologique et d’oublier que dans les cosmologies fictionnelles comme dans la langue « l’imaginaire n’est pas pur ; il ne fait qu’aller ». A charge d’aller en quelque façon à sa rencontre. 

 

 

  • 1. L’histoire des idées a surtout retenu l’article 2 (qui glose l’interdit de l’article 1) : « La Société n’admet aucune communication concernant, soit l’origine du langage, soit la création d’une langue universelle. » Sur les divergences scientifico-idéologiques qui présidèrent à ces statuts fondateurs, voir par exemple Claudine Gauthier, Histoires croisées. Folklore et philologie de 1870 à 1920, Les Carnets de Bérose, n° 1, Lahic / DPRPS-Direction des patrimoines, 2013, en ligne: /http://www.iiac.cnrs.fr/lahic/article971.html/ 
  • 2. Ce chapitre des Essais de linguistique générale (Paris, Seuil, 1963) a son origine dans un congrès international sur le style tenu en 1960 à l’Université d’Indiana (où la folkloristique contemporaine rayonne) et qui réunit des linguistes, des anthropologues, des psychologues et des critiques littéraires.
  • 3. R. Jakobson, « Le langage commun des linguistes et des anthropologues », dans Essais de linguistique générale, op. cit., p. 27. Claude Lévi-Strauss, « Linguistique et anthropologie », Anthropologie structurale, Paris, Plon, 1974 (1958), p. 83-97 : «  Le langage est une partie de la culture […]. Rappelons-nous la définition célèbre de Tylor, pour qui la culture est un ensemble complexe comprenant l’outillage, les institutions, les croyances, les coutumes et aussi bien entendu, la langue. »
  • 4. S’il ne fallait donner qu’un  seul exemple (ou contre-exemple…), ce serait évidemment le trop fameux exercice  structuralo-formel d’analyse du poème de Baudelaire « Les Chats » rédigé par R. Jakobson et Cl. Lévi-Strauss, L'Homme, 1962, tome 2, n°1, p. 5-21, en ligne : https://www.persee.fr/doc/hom_0439-4216_1962_num_2_1_366446
  • 5. A. Gramsci, « Osservazioni sul folclore », Letteratura e vita nazionale, Einaudi, Torino, 1950, p. 215-221. Dans son engagement pour une nouvelle politique du folklore comme culture(s) des classes populaires, Gramsci regrettait que les études de folklore se soient trop souvent intéressées aux seuls problèmes méthodologique de recueil, de sélection et de classification des données et à leur archivage érudit et encyclopédique. Pour une introduction aux conceptions gramsciennes sur le folklore, Alberto M. Cirese, « Conceptions du monde, philosophie spontanée, folklore », Dialectiques, n°4-5, 1974, p. 83-100.
  • 6. Voir en particulier les premiers travaux de M. Scarpa sur Le Carnaval des Halles et le « personnage liminaire » (Paris, Cnrs Éd., 2000).
  • 7. P. Bourdieu, Esquisse d’une théorie de la pratique, précédé de Trois études d’ethnologie kabyle, Genève, Droz, 1972.
  • 8. P. Bourdieu, « Lecture, lecteurs, lettrés, littérature », Choses dites, Paris, Minuit, 1987, p. 132-143. Bourdieu tiendra le même raisonnement à propos des mythes : « Le mytho-poète devient mythologue […]. Le mythe cesse d’être une solution pratique à des problèmes pratiques pour devenir une solution intellectuelle à des problèmes intellectuels. »
  • 9. P. Bourdieu, « Lecture, lecteurs, lettrés, littérature », op. cit., p. 141.
  • 10. Claude Grignon et Jean-Claude Passeron, Le savant et le populaire. Misérabilisme et populisme en sociologie et en littérature, Paris, Hautes Études – Gallimard – Le Seuil, 1989.
  • 11. Pour un exemple de ce « droit de cuissage symbolique » à l’œuvre en littérature, voir Jean-Marie Privat, « L’acculture », Bovary/Charivari. Essai d’ethno-critique, Paris, CNRS Édition, 1994, p. 7-16.
  • 12. Claude Lévi-Strauss, La pensée sauvage, Paris, Plon, 1962 et par exemple les « petites mythologiques ».
  • 13. Claude Lévi-Strauss, La potière jalouse, Paris, Plon, 1985, p. 255.
  • 14. Jean-Pierre Vernant, « Religion grecque, religions antiques », Leçon inaugurale de la chaire d’études comparées des religions antiques, Collège de France, 5 décembre 1975. Publiée dans Religions, histoires, raisons, Paris, La Découverte, 10/18, 2006, p. 5-34.
  • 15. Ibid., p. 21.
  • 16. Jean-Pierre Vernant, « La belle mort et le cadavre outragé » (1982), L’individu, la mort, l’amour, Paris, Gallimard, 1996, p. 41-79.
  • 17. Jean-Pierre Vernant, « Le Tyran boiteux : d’Œdipe à Périandre », Le Temps de la réflexion, II, Paris, Gallimard, 1981, p. 235-255.
  • 18. Pierre Vidal-Naquet, « Retour au chasseur noir » (1989), La Grèce ancienne. 3. Rites de passage et transgressions, Paris, Seuil, 1992, p. 179-214.
  • 19. Jacques Le Goff et Pierre Vidal-Naquet, « Lévi-Strauss… », L’imaginaire médiéval, Paris, Gallimard, 1985, p. 151-187 (publié d’abord dans Critique, n°325, 1974).
  • 20. Jacques Le Goff et Emmanuel Le Roy Ladurie, « Mélusine maternelle et défricheuse », Annales E.S.C., n°3-4, 1971, p. 587-622.  Les préfaces de Le Roy Ladurie à tel ou tel roman de Balzac (Le Médecin de campagne) et de Zola (La Terre) ont joué leur rôle en quelque façon dans la légitimation intellectuelle d’un regard culturologique sur les fictions modernes, d’autant que le traitement latéral des données textuelles et des constructions narratives laissaient le champ libre à une analyse de la poétique culturelle des œuvres…
  • 21. Claude Gaignebet, Le folklore obscène des enfants, Paris, G.-P. Maisonneuve et Larose, 1980 et Le carnaval : essais de mythologie populaire, Paris, Payot, 1974.
  • 22. François Furet et Jacques Ozouf, Lire et écrire. L’alphabétisation des français de Calvin à Jules Ferry, Paris, Minuit, 1977.
  • 23. Norbert Elias, La Civilisation des mœurs, Paris, Calmann-Lévy, 1973. Voir par exemple Marie Scarpa, Le Carnaval des Halles. Une ethnocritique du Ventre de Paris de Zola, Paris, CNRS Editions, coll. « Littérature », 2000 et « Le Ventre de Paris est-il un roman bien civilisé ? », Norbert Elias et l'anthropologie, « Nous sommes tous si étranges… », Sophie Chevalier et Jean-Marie Privat (dir), CNRS Editions, coll. « Anthropologie », 2004, p. 196-203. Voir aussi Jean-Marie Privat, « Elias, Bakhtine et la littérature », Norbert Elias et l'anthropologie, op. cit., p. 185-195.
  • 24. Jeanne Favret-Saada, Les mots, la mort, les sorts. La sorcellerie dans le Bocage, Paris, Gallimard, 1977.
  • 25. Yvonne Verdier, Façons de dire, façons de faire. La laveuse, la couturière, la cuisinière, Paris, Gallimard, 1979. Voir aussi Tina Jolas, Marie-Claude Pingaud, Yvonne Verdier et Françoise Zonabend, Une campagne voisine. Minot, un village bourguignon, Paris, MSH, 1990 et Gérard Althabe, Daniel Fabre et Gérard Lenclud, Vers une ethnologie du présent, Paris, MSH, 1992.
  • 26. Yvonne Verdier, Coutume et destin. Thomas Hardy et autres essais, précédé de « Du rite au roman » par Claudine Fabre-Vassas et Daniel Fabre, Paris, Gallimard, 1995. 
  • 27. Claudine Fabre-Vassas et Daniel Fabre, « L’ethnologie du symbolique : situation et perspectives », Ethnologies en miroir, Isaac Chiva et Utz Jeggle (dir.), Paris, MSH, 1987, p. 123-138.
  • 28. Daniel Fabre, « Carlo Levi au pays du temps », L’Homme, 1990, t. 30, no 114, p. 50-74, en ligne : https://www.persee.fr/issue/hom_0439-4216_1990_num_30_114?sectionId=hom_0439-4216_1990_num_30_114_369240. Pour se faire une idée de la recherche en anthropologie de la littérature dans les années 1980, on peut se reporter à « Littérature et anthropologie », L’Homme, t. 29, n111-112, 1989, en ligne: https://www.persee.fr/issue/hom_0439-4216_1989_num_29_111.

Première publication dans Les douze travaux du texte. Sociocritique et ethnocritique, sous la dir. de Pierre Popovic et Anne-Marie David, Montréal, UQAM, Figura, 2015, p. 27‑42. 

 

Une hypothèse heuristique naît de/dans une configuration scientifique et culturelle qui s’inscrit elle-même dans une relative longue durée intellectuelle et politique. Ce sont quelques éléments de cette dynamique que synchronise et syncrétise à sa façon l’ethnocritique que je me propose de mettre au jour ici. 

Les signes du temps 

Je partirai volontiers d’un partage épistémologique dans le territoire des sciences de la culture qui a fondé jadis une division du travail de recherche à l’interne des sciences du texte (et de la textualité littéraire).  

Une partition historique dans nos frontières disciplinaires s’est en effet opérée au XIXe siècle et la butte-témoin en est observable à vif dans les publications de la Société de Linguistique de Paris (SLP). L’article premier de ses premiers statuts officiels (1866) ouvre à une forme de science générale de la culture : 

La Société de Linguistique a pour but l’étude des langues, celles des légendes, traditions, coutumes, documents, pouvant éclairer la science ethnographique. Tout autre objet d’études est rigoureusement interdit 1.

Cette approche est certes datée mais elle impliquait une conception systémique et comparative des faits culturels qui ne sépare pas dans son principe le discursif de l’inter-discursif, ne segmente pas la praxis langagière et son énonciation sociale, n’isole même pas la pensée sauvage du monde de l’écrit. Or, dix ans plus tard exactement (1876), paraissent de nouveaux statuts (« approuvée par le Conseil d’État ») qui institueront la linguistique moderne comme discipline à part entière, autonome et inventive : « Art. 1 – La Société de Linguistique a pour objet l’étude des langues et l’histoire du langage. Tout autre sujet d’études est rigoureusement interdit. » Il en sera bien fini alors d’une approche compréhensive des univers symboliques qui vit Gaston Paris faire paraître dans les Mémoires de la Société de Linguistique de Paris Le Petit Poucet et La Grande Ourse (1868) et Michel Bréal publier des Mélanges de mythologie et de linguistique (1882). Le paradigme philologico-culturel et son exploration (aventureuse) des richesses anthropologiques de la langue et des discours avaient fait son temps. 

C’est d’un autre monde épistémologique que vint la réunion des approches ethnographiques et textuelles. Prenons l’exemple de Vladimir Propp, ses études sémio-historiques des systèmes culturels et leurs manifestations fictionnelles. Propp narratologue (La morphologie des contes) se double en fait d’un Propp folkloriste (Les racines historiques du conte merveilleux), ou plutôt c’est le même Propp qui est narratologue et folkloriste. Or, on sait combien la variante formaliste a non seulement occulté en France les études culturelles des corpus folkloriques, mais aussi comment elle s’est imposée  comme source et ressource de la modernité critique… quitte à déculturer la littérature. 

C’est peut-être avec Roman Jakobson (et son immense prestige intellectuel) que les liens sont vraiment sinon définitivement renoués – « entreprendre l’étude de l’art du langage sous tous ses aspects et dans toute son étendue » – au terme d’une très fameuse contribution significativement intitulée Linguistique et poétique2 : 

Chacun de nous ici […] a définitivement compris qu’un linguiste sourd à la fonction poétique comme un spécialiste de la littérature indifférent aux problèmes et ignorant des méthodes linguistiques sont d’ores et déjà, l’un et l’autre, de flagrants anachronismes. 

L’ethnocritique naissante s’est volontiers affiliée à cette conclusion programmatique qui renvoie aux hypothèses partagées des linguistes et des anthropologues : « le langage et la culture s’impliquent mutuellement […], la linguistique est étroitement liée à l’anthropologie culturelle »3. Ces perspectives sémio-culturelles ne suffirent pas toutefois à dépasser le primat attaché de facto à l’analyse des structures formelles du discours et des énoncés (plus qu’au dialogisme interne et à l’hétérophonie constitutive du discours littéraire), ou encore à l’héritage des traits de civilisation dans la langue (plus qu’à l’imaginaire culturel des fictions)4

Mais un horizon de travail était dessiné : V. Propp comme R. Jakobson et même les mythologues de la culture à l’ancienne mode eurent ainsi la vertu peu commune d’aider à s’extraire de l’académisme mental des problématiques et de l’orthodoxie lettrée des corpus. 

Le système des signes 

C’est sous l’effet conjugué des théories dynamiques de la culture dans les sciences sociales et des théories du sujet polyphonique dans les sciences humaines que l’ethnocritique a pu s’éloigner des conceptions documentaires ou pittoresques de la culture du texte et travailler à saisir les ethno-logiques (plus ou moins) inventives du récit. 

Au risque d’une perspective trop cavalière, je propose de passer en revue quelques-unes de ces théories de référence qui chacune à leur manière ouvre au processus de dialogie culturelle. 

  • La théorie psychanalytique de Freud participe sur un mode latent ou patent depuis le début de ce dialogisme intégratif qui (me) paraît consubstantiel à l’ethnocritique. Je me borne à rappeler ici combien les notions d’hétérogénéité constitutive du sujet ou de travail inconscient du texte et du lecteur à l’écoute des signes sont proches de notre exploration de l’hybridité culturelle des cosmologies fictionnelles. Et un même décentrement intellectuel – une exotopie productrice dirait M. Bakhtine – s’impose pour exotiser le quotidien sans scotomiser sa familière étrangeté.

 

  • Si l’ethnocritique s’intéresse aux variations culturelles et à leur architectonique discursive c’est aussi parce qu’elle dispose d’une théorie politique de la culture qui considère les altérités culturelles et les folklores indigènes non comme de pures et simples formations idéologiques (erreurs populaires, stupides préjugés, superstitions obscurantistes, croyances de bonnes femmes, etc.), mais comme autant de « conceptions du monde et de la vie », selon la formule d’Antonio Gramsci. Cette culture folklorique, frontale ou interstitielle, labile et oppositive, pour le meilleur ou pour le pire, à la pensée officielle et dominante, bref cette « philosophie spontanée » incorporée se manifeste dans des configurations symboliques et historiques propres aux classes subalternes et instrumentales. Mais ce « sens commun » qui accompagne les jeux et enjeux de l’histoire ne saurait être monologique : « Le peuple n’est pas une collectivité homogène de culture, mais présente des stratifications culturelles nombreuses combinées de manière variable » 5. Ainsi « le folklore ne doit pas être conçu comme une bizarrerie, une étrangeté, un élément pittoresque, mais comme une chose très sérieuse et qu’il faut prendre au sérieux. » Le Rimbaud d’Une saison en enfer nous y invitait déjà, en sa révolte poïétique : « J'aimais les peintures idiotes, dessus de portes, décors, toiles de saltimbanques, enseignes, enluminures populaires ; la littérature démodée, latin d'église, livres érotiques sans orthographe, romans de nos aïeules, contes de fées, petits livres de l'enfance, opéras vieux, refrains niais, rythmes naïfs. » (Alchimie du verbe, 1873). 

 

  • Même si dans son « George Sand folkloriste » (Mercure de France, 1er juin 1926, p. 371-384) Arnold van Gennep s’expose particulièrement à la critique gramscienne en ce qu’il tend à réduire l’événement littéraire à un document d’archéologie de la culture, sa théorie des rites de passages et son ethnographie calendaire et cyclique ont puissamment fécondé les recherches ultérieures en ethnocritique6. Et si dans l’œuvre immense et multiforme de Pierre Bourdieu il fallait retenir quelques points décisifs pour les débuts de l’ethnocritique ce serait sans doute l’ethnographie des cultures paysannes et dominées (ici béarnaises, là kabyles) qui ouvrent à la compréhension de systèmes symboliques participant latéralement ou plus substantiellement de la polyphonie du roman en régime réaliste7; et ce serait aussi sur un plan plus général et plus épistémologique ses réflexions sur le logocentrisme académique qui s’expose à deux erreurs d’analyse : « l’ethnologisme qui ignore le fait de la réinterprétation savante, et la neutralisation académique qui, entrant de plain-pied dans la logique lettrée de la réinterprétation, ignore le fonds rituel […]8 ». Il convient en effet de veiller à ce qu’une telle lecture ethnologiste ne laisse échapper « tout ce que le récit doit à la réinterprétation que son auteur fait subir aux éléments primaires […]. » Ils reçoivent en effet « un nouveau sens de leur insertion dans le système de relations  constitutif de l’œuvre […]. On ne peut donc, sans opérer une réduction injustifiable, traiter les traits culturels qu’une œuvre mobilise comme de simples éléments d’information ethnographique9 »

 

  • Les travaux critiques (critiques d’un possible légitimisme implicite des analyses distinctives de P. Bourdieu) de Claude Grignon et Jean-Claude Passeron constituèrent d’autres garde-fous épistémologiques et surtout d’autres outils extrêmement précieux pour la compréhension sociologique de « l’altérité domestique », familière voire intime. Le savant et le populaire10 contribua de façon décisive à penser la subtile approche dialectique des effets de la domination symbolique (« analyse idéologique ») et des modes de cohérence interne des subcultures (« analyse culturelle »), plus encore peut-être à clarifier en théorie les hypothèses sur la circulation dissymétrique des schèmes culturels et des interactions entre configurations imaginaires. Le choix n’est donc pas/plus entre, d’une part, la théorie romantique ou populiste qui place la culture populaire à l’origine (archaïque) de toute création culturelle (la langue par exemple ne serait dans cette perspective qu’une complexification savante du parler natif, dru et naïf, du peuple) et le modèle aristocratique et misérabiliste qui voudrait que toutes les formes de la culture circulent de haut en bas, des hauts-lieux de la légitimité socio-symbolique vers les bas-fonds où ces mêmes formes se déforment irrémédiablement… La littérature n’échappe pas nécessairement aux différentes formes de l’échange inégal et tire même souvent profit(s) de l’asymétrie des échanges symboliques, puisant à la fois dans « l’indignité culturelle des pratiques dominées » la plus-value de sa propre supériorité et le crédit inestimable du pouvoir de réhabilitation de pratiques autrement indignes11

 

  • Le travail de Claude Lévi-Strauss fut enfin une référence constante pour accéder à la texture du symbolique (vs l’illusion référentielle) et au pluri-codage des systèmes de signification (vs l’encodage positiviste). Cette coalescence d’une science du concret et d’une sapience de l’intelligible propre aux discours mythico-poétiques (ou magico-religieuses) informe souvent en fait la pensée sauvage12 des cosmologies fictionnelles, leurs systèmes de créance ou leurs imaginaires sémantiques, « nonobstant les efforts de la pensée analytique pour les subdiviser » en univers relativement autonomes ou purement métaphoriques13

Toutefois, ces savoirs experts qui captent les sources et ressources vives de la culture humaine sont plus en quête d’invariants dans la variation (le prestige des motifs, des structures, des modélisations) et semblent plus captivés par le jeu des altérités culturelles que par les hybridations constitutives de la textualité et leurs architectures littéraires. Aussi peut-on dire que le travail de transferts de paradigmes et d’adéquation des problématiques à la littérature restait à faire…  

La signifiance culturelle des œuvres 

Un premier ensemble mémorable de travaux d’analyses anthropologiques de corpus littéraires considérés per se fut sans conteste l’apport d’antiquisants et de médiévistes qui n’envisageaient plus les discours comme de précieux témoignages du passé dont il convenait d’établir la lettre ou de rétablir l’esprit, mais comme des univers structurés de signes organisés selon des imaginaires culturels que le chercheur en sciences humaines et sociales pouvait cartographier et interpréter.

L’anthropologie historique des discours comme systèmes culturels 

Cette anthropologie résolument structuraliste et textualiste se proposait de « cerner précisément les écarts entre types différents de discours, écarts dans le vocabulaire, les modes de composition, les articulations syntaxiques, les procédures narratives, les techniques de mise en relation par le texte des valeurs sémantiques14. » Cette précise et précieuse attention aux moindres « détails du texte » s’oriente selon une épistémologie et une méthodologie qui distinguent des formes, des modalités et des enjeux de discours. Le mythologue peut ainsi choisir de s’attaquer à une œuvre unique, la Théogonie d’Hésiode par exemple, « texte pris dans son tout, systématiquement composé et élaboré par son auteur » ; il peut aussi constituer un « vaste corpus thématique englobant toutes les versions des différents mythes […], en y intégrant leur axiologie dans la représentation courante » ; il peut enfin se situer à un niveau d’abstraction plus élevé, en construisant des « modèles généraux » pour examiner – « à titre d’exercice expérimental15 » pour reprendre l’expression de Vernant – dans quelle mesure ce cadre peut s’appliquer à des ensembles mythiques à première vue privés de tout lien les uns avec les autres. L’anthropologie historique des systèmes de croyance (les mantiques, le royaume des morts), des pratiques rituelles (l’initiation juvénile, la liminalité), des espaces symboliques (la domus, l’ager et le saltus), etc. nous a ainsi éclairé sur « la belle mort ou le cadavre outragé16 » (les rites de passage), sur le « tyran boiteux17 » (la dissymétrie symbolique) ou encore sur le « chasseur noir18 » (faire les hommes). Il faudrait en dire autant sinon plus encore des travaux sur le « long Moyen Age » qui ouvrit à l’anthropologie historique le champ des héritages culturels occidentaux. « Lévi-Strauss en Brocéliande. Esquisse pour une analyse d’un roman courtois » (1974) co-écrit par P. Vidal-Naquet et J. Le Goff fait figure de contribution exemplaire d’une lecture anthropologique à la croisée de l’histoire sociale, de l’ethnographie des mentalités et de l’étude des formes artistiques19. L’ethnocritique naissante trouva une grande stimulation intellectuelle dans ce type d’explorations de la pensée mythico-poétique indigène et de quelques-unes de ses figures totémiques (songeons à la mythologie de Mélusine en ses avatars littéraires20) ; et non moins d’interrogations heuristiques dans les reconstructions dissidentes et hétérodoxes d’un Claude Gaignebet à propos du folklore calendaire de Carnaval chez Rabelais (et Brueghel) ou dans la tradition orale des savoirs obscènes des enfants21, cette altérité du (toujours) proche. Cette anthropologie historique des discours comme systèmes culturels convergeait aussi avec les perspectives et les problématiques des processus de civilisation, aussi bien la « mutation anthropologique » que constitua le passage d’une culture commune orale à une culture écrite impériale22 que la civilisation des mœurs et des corps dans l’ordre du bio-symbolique23

L’anthropologie compréhensive des discours comme systèmes symboliques

Une impulsion sans doute décisive fut donnée à nos premières publications en ethnocritique quand elles croisèrent les travaux des ethnologues de la France contemporaine, ethnologues qui présentaient l’intérêt majeur d’inscrire la parole coutumière24 ou ordinaire25 au cœur de leurs enquêtes. Les façons d’analyser d’Y. Verdier présentèrent pour nous l’intérêt tout particulier de mettre en relation de co-occurrence l’univers des contes (oraux) et le monde familier des rôles socio-rituels, approche réticulaire plus que classiquement spéculaire où tel motif littéraire folklorique n’apparaît plus comme fantaisiste ou obscur et archaïque, mais comme culturellement motivé sinon régi par telles pratiques artisanales vivantes, par exemple. Cette intelligence ethnologique des constructions symboliques dans les univers praxiques et surtout cette découverte des règles culturelles dans l’économie des textes littéraires trouvera son modèle dans les analyses ethno-littéraires du grand cycle des romans de Thomas Hardy où l’écrivain met en scène les rustiques d’un Wessex imaginaire26. La littérature apparaît dès lors comme un savoir sur la société certes mais aussi comme un savoir de la société, à condition de quêter non le dévoilement d’un sens crypté ou local, mais le déploiement de l’infime et le rayonnement sémantique d’une cosmologie dans l’engendrement du récit. Cette poétique de l’ethnographie et cette ethnographie d’une poétique se retrouvent l’une et l’autre dans les contributions théoriques27  importantes de Daniel Fabre qui s’intéressa très tôt à l’émergence de l’écriture dans les sociétés de l’oralité et dont une partie des travaux concernaient dès cette époque l’anthropologie de la littérature et de l'écrivain28

La poétique culturelle des œuvres 

S’il est vrai que, pendant longtemps « la linguistique et la stylistique ont cherché avant tout l’unité dans la variété », on peut dire que dès le début l’ethnocritique s’est fixée comme programme descriptif et interprétatif d’être attentive à la variété dans l’unité, à l’hétérogénéité culturelle dans l’unité formelle de l’œuvre. La dynamique de ce qu’on appellera bientôt la poétique culturelle du texte suppose un intérêt non exclusif évidemment mais marqué toutefois pour trois modes de signifiance que je désigne ici par les termes plus ou moins néologiques de plurilogie, micrologie et dialogie. 

La plurilogie c’est en somme l’étoilement du sens et non son étiolement : 

Le texte dans sa masse est comparable à un ciel, plat et profond à la fois, lisse, sans bords et sans repères ; tel l’augure y découpant du bout de son bâton un rectangle fictif pour y interroger selon certains principes le vol des oiseaux, le commentateur trace le long du texte des zones de lecture, afin d’y observer la migration du sens, l’affleurement des codes, le passage des citations. 

Ce travail pluriel de la signifiance se déploie du signifiant graphique et phonique jusqu’aux structures symboliques qui configurent l’intraculture du texte littéraire. Notre hypothèse d’un charbovari flaubertien n’en serait que le premier exemple. 

La micrologie se focalise sur des phénomènes scripturaux qui renvoient aussi bien aux variations labiles avant-textuelles qu’aux stratégies narratives qui en littérature s’encrent dans ce que C. Ginzburg a appelé pour les sciences humaines le paradigme indiciaire. Il résume son propos dans une sorte de fable épistémique : 

Pendant des millénaires l’homme a été un chasseur. Au cours de poursuites innombrables, il a appris à reconstruire les formes et les mouvements de proies invisibles à partir des empreintes inscrites dans la boue […]. Il a appris à accomplir des opérations mentales complexes avec une rapidité foudroyante dans l’épaisseur d’un fourré ou dans une clairière pleine d’embûches […]. Peut-être l’idée même de narration est-elle née dans une société de chasseurs de l’expérience du déchiffrement des traces […]. Le chasseur aurait été ainsi le premier à “raconter une histoire” […].

Cette structuration/scrutation sémiotique du texte écrit et lu nous fait songer à la quête saussurienne d’un hypotexte culturel que la pensée sauvage de la littérature bricolerait. Ou encore au(x) subtexte(s) que M. Riffaterre cherche à identifier dans l’économie matricielle et figurale d’un récit : « A subtext is always structured on a polar opposition between a relatively unimportant topic and a wide-ranging hermeneutic function.» Marie Scarpa a établi ce type de fonctionnement sémio-narratif et politique pour le schème carnaval-carême dans sa lecture ethnocritique du Ventre de Paris

La dialogie, enfin et surtout, comme ensemble des rapports dialogiques intertextuels et intratextuels constitutifs de l’œuvre. Dans cette perspective typiquement bakhtinienne les énoncés littéraires sont perçus comme autant de « micromondes » qui stylisent des univers verbaux à la fois hybrides, composites et singuliers. On comprend combien ont pu alors nous paraître intellectuellement et politiquement stimulantes les conséquences programmatiques et méthodologiques que Bakhtine ne manquait pas de tirer de ses propositions (théoriques)  et prises de positions (son anthropologie philosophique): 

La littérature fait indissociablement partie de la culture […]. L’action intense qu’exerce la culture (principalement celle des couches profondes, populaires) et qui détermine l’œuvre d’un écrivain est restée inexplorée et, souvent totalement insoupçonnée […]. 

Les doubles conclusions, négative pour l’une, positive pour l’autre,  sont sans appel : 

  • « On s’interdit ainsi l’accès à la profondeur des grandes œuvres. La littérature prend l’allure d’une chose insignifiante, frivole. » 
  • « Une explication des structures symboliques a besoin de s’enfoncer dans l’infinité des sens symboliques. » 

Bien sûr, la facilité fut de se laisser porter par  l’air idéologique du temps et de réduire l’idiolecte culturel de l’œuvre à ses seules dimensions folklorico-liturgiques. La tentation interprétative était réelle dans la mesure où mettre en évidence la présence structurante de traits folkloriques ou de séquences liturgiques devenait presque un jeu d’enfants, un jeu où l’on gagne à tout coup tant les cultures folkloriques et religieuses sont absentes de l’horizon mental de l'homo academicus contemporain (français) dans sa variante lettrée et « moderne ». L’autre danger herméneutique était de réduire de fait la polyphonie culturelle des œuvres à une sorte de simple et séduisante biphonie oxymorique, et ce dans le sillage de la réception dominante des études culturelles de Bakhtine ou à l’imitation de travaux fameux d’historiens de la littérature sur les traditions « populaires » (au pluriel) dans la culture savante (au singulier). Peut-être est-il optimiste de penser aujourd’hui que les réflexions épistémologiques et méthodologiques d’un penseur aussi rigoureux et subtil et cultivé que A. J. Greimas ont pu aider l’ethnocritique naissante à cadrer avec quelque pertinence son champ d’investigation et de problématisation. Mais les contributions du sémioticien des cultures et des littératures (genres, motifs, niveaux d’analyse, codages de l’oralité, etc.) présentaient pour une ethno-critique naissante l’intérêt de tracer par exemple les différences structurelles entre cultures ethno-sémiotiques (la praxis syncrétique, orale et communautaire) et cultures socio-sémiotiques (la logos plus analytique, écrit et individuel) et de viser à poser en termes différentiels (et non plus historiciste ou romantique) et relationnels l’appropriation de l’altérité culturelle relative de l’une par l’autre. 

Dans le même temps, nous nous risquions à mettre un semblant d’ordre « pédagogique » dans la démarche proprement ethnocritique cette fois (ethnographie du contexte, ethnologie du texte, ethnocritique de l’opus, auto-ethnologie du lecteur) au risque de créer une intempestive doxa méthodologique et d’oublier que dans les cosmologies fictionnelles comme dans la langue « l’imaginaire n’est pas pur ; il ne fait qu’aller ». A charge d’aller en quelque façon à sa rencontre. 

 

 

  • 1. L’histoire des idées a surtout retenu l’article 2 (qui glose l’interdit de l’article 1) : « La Société n’admet aucune communication concernant, soit l’origine du langage, soit la création d’une langue universelle. » Sur les divergences scientifico-idéologiques qui présidèrent à ces statuts fondateurs, voir par exemple Claudine Gauthier, Histoires croisées. Folklore et philologie de 1870 à 1920, Les Carnets de Bérose, n° 1, Lahic / DPRPS-Direction des patrimoines, 2013, en ligne: /http://www.iiac.cnrs.fr/lahic/article971.html/ 
  • 2. Ce chapitre des Essais de linguistique générale (Paris, Seuil, 1963) a son origine dans un congrès international sur le style tenu en 1960 à l’Université d’Indiana (où la folkloristique contemporaine rayonne) et qui réunit des linguistes, des anthropologues, des psychologues et des critiques littéraires.
  • 3. R. Jakobson, « Le langage commun des linguistes et des anthropologues », dans Essais de linguistique générale, op. cit., p. 27. Claude Lévi-Strauss, « Linguistique et anthropologie », Anthropologie structurale, Paris, Plon, 1974 (1958), p. 83-97 : «  Le langage est une partie de la culture […]. Rappelons-nous la définition célèbre de Tylor, pour qui la culture est un ensemble complexe comprenant l’outillage, les institutions, les croyances, les coutumes et aussi bien entendu, la langue. »
  • 4. S’il ne fallait donner qu’un  seul exemple (ou contre-exemple…), ce serait évidemment le trop fameux exercice  structuralo-formel d’analyse du poème de Baudelaire « Les Chats » rédigé par R. Jakobson et Cl. Lévi-Strauss, L'Homme, 1962, tome 2, n°1, p. 5-21, en ligne : https://www.persee.fr/doc/hom_0439-4216_1962_num_2_1_366446
  • 5. A. Gramsci, « Osservazioni sul folclore », Letteratura e vita nazionale, Einaudi, Torino, 1950, p. 215-221. Dans son engagement pour une nouvelle politique du folklore comme culture(s) des classes populaires, Gramsci regrettait que les études de folklore se soient trop souvent intéressées aux seuls problèmes méthodologique de recueil, de sélection et de classification des données et à leur archivage érudit et encyclopédique. Pour une introduction aux conceptions gramsciennes sur le folklore, Alberto M. Cirese, « Conceptions du monde, philosophie spontanée, folklore », Dialectiques, n°4-5, 1974, p. 83-100.
  • 6. Voir en particulier les premiers travaux de M. Scarpa sur Le Carnaval des Halles et le « personnage liminaire » (Paris, Cnrs Éd., 2000).
  • 7. P. Bourdieu, Esquisse d’une théorie de la pratique, précédé de Trois études d’ethnologie kabyle, Genève, Droz, 1972.
  • 8. P. Bourdieu, « Lecture, lecteurs, lettrés, littérature », Choses dites, Paris, Minuit, 1987, p. 132-143. Bourdieu tiendra le même raisonnement à propos des mythes : « Le mytho-poète devient mythologue […]. Le mythe cesse d’être une solution pratique à des problèmes pratiques pour devenir une solution intellectuelle à des problèmes intellectuels. »
  • 9. P. Bourdieu, « Lecture, lecteurs, lettrés, littérature », op. cit., p. 141.
  • 10. Claude Grignon et Jean-Claude Passeron, Le savant et le populaire. Misérabilisme et populisme en sociologie et en littérature, Paris, Hautes Études – Gallimard – Le Seuil, 1989.
  • 11. Pour un exemple de ce « droit de cuissage symbolique » à l’œuvre en littérature, voir Jean-Marie Privat, « L’acculture », Bovary/Charivari. Essai d’ethno-critique, Paris, CNRS Édition, 1994, p. 7-16.
  • 12. Claude Lévi-Strauss, La pensée sauvage, Paris, Plon, 1962 et par exemple les « petites mythologiques ».
  • 13. Claude Lévi-Strauss, La potière jalouse, Paris, Plon, 1985, p. 255.
  • 14. Jean-Pierre Vernant, « Religion grecque, religions antiques », Leçon inaugurale de la chaire d’études comparées des religions antiques, Collège de France, 5 décembre 1975. Publiée dans Religions, histoires, raisons, Paris, La Découverte, 10/18, 2006, p. 5-34.
  • 15. Ibid., p. 21.
  • 16. Jean-Pierre Vernant, « La belle mort et le cadavre outragé » (1982), L’individu, la mort, l’amour, Paris, Gallimard, 1996, p. 41-79.
  • 17. Jean-Pierre Vernant, « Le Tyran boiteux : d’Œdipe à Périandre », Le Temps de la réflexion, II, Paris, Gallimard, 1981, p. 235-255.
  • 18. Pierre Vidal-Naquet, « Retour au chasseur noir » (1989), La Grèce ancienne. 3. Rites de passage et transgressions, Paris, Seuil, 1992, p. 179-214.
  • 19. Jacques Le Goff et Pierre Vidal-Naquet, « Lévi-Strauss… », L’imaginaire médiéval, Paris, Gallimard, 1985, p. 151-187 (publié d’abord dans Critique, n°325, 1974).
  • 20. Jacques Le Goff et Emmanuel Le Roy Ladurie, « Mélusine maternelle et défricheuse », Annales E.S.C., n°3-4, 1971, p. 587-622.  Les préfaces de Le Roy Ladurie à tel ou tel roman de Balzac (Le Médecin de campagne) et de Zola (La Terre) ont joué leur rôle en quelque façon dans la légitimation intellectuelle d’un regard culturologique sur les fictions modernes, d’autant que le traitement latéral des données textuelles et des constructions narratives laissaient le champ libre à une analyse de la poétique culturelle des œuvres…
  • 21. Claude Gaignebet, Le folklore obscène des enfants, Paris, G.-P. Maisonneuve et Larose, 1980 et Le carnaval : essais de mythologie populaire, Paris, Payot, 1974.
  • 22. François Furet et Jacques Ozouf, Lire et écrire. L’alphabétisation des français de Calvin à Jules Ferry, Paris, Minuit, 1977.
  • 23. Norbert Elias, La Civilisation des mœurs, Paris, Calmann-Lévy, 1973. Voir par exemple Marie Scarpa, Le Carnaval des Halles. Une ethnocritique du Ventre de Paris de Zola, Paris, CNRS Editions, coll. « Littérature », 2000 et « Le Ventre de Paris est-il un roman bien civilisé ? », Norbert Elias et l'anthropologie, « Nous sommes tous si étranges… », Sophie Chevalier et Jean-Marie Privat (dir), CNRS Editions, coll. « Anthropologie », 2004, p. 196-203. Voir aussi Jean-Marie Privat, « Elias, Bakhtine et la littérature », Norbert Elias et l'anthropologie, op. cit., p. 185-195.
  • 24. Jeanne Favret-Saada, Les mots, la mort, les sorts. La sorcellerie dans le Bocage, Paris, Gallimard, 1977.
  • 25. Yvonne Verdier, Façons de dire, façons de faire. La laveuse, la couturière, la cuisinière, Paris, Gallimard, 1979. Voir aussi Tina Jolas, Marie-Claude Pingaud, Yvonne Verdier et Françoise Zonabend, Une campagne voisine. Minot, un village bourguignon, Paris, MSH, 1990 et Gérard Althabe, Daniel Fabre et Gérard Lenclud, Vers une ethnologie du présent, Paris, MSH, 1992.
  • 26. Yvonne Verdier, Coutume et destin. Thomas Hardy et autres essais, précédé de « Du rite au roman » par Claudine Fabre-Vassas et Daniel Fabre, Paris, Gallimard, 1995. 
  • 27. Claudine Fabre-Vassas et Daniel Fabre, « L’ethnologie du symbolique : situation et perspectives », Ethnologies en miroir, Isaac Chiva et Utz Jeggle (dir.), Paris, MSH, 1987, p. 123-138.
  • 28. Daniel Fabre, « Carlo Levi au pays du temps », L’Homme, 1990, t. 30, no 114, p. 50-74, en ligne : https://www.persee.fr/issue/hom_0439-4216_1990_num_30_114?sectionId=hom_0439-4216_1990_num_30_114_369240. Pour se faire une idée de la recherche en anthropologie de la littérature dans les années 1980, on peut se reporter à « Littérature et anthropologie », L’Homme, t. 29, n111-112, 1989, en ligne: https://www.persee.fr/issue/hom_0439-4216_1989_num_29_111.
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